Il aurait pu être le grand gagnant des régionales dans l’Est, mais le numéro 2 du FN a perdu. Dans sa région, les militants frontistes lui reprocheraient d’avoir été davantage sur les plateaux télés que sur le terrain. Le vice-président du FN entretient pourtant une relation complexe avec la presse, à base de charme et de chantage.
La blague circule dans les cercles frontistes : celle d’un camion de BFMTV qui se gare devant le siège du parti. Les militants jettent un oeil : “ah, c’est Philippot qui arrive !”. Une vacherie qui résume bien l’omniprésence médiatique du vice-président du Front national. Cette semaine, on a par exemple pu le voir sur France 2, sur BFMTV, dans un reportage de France 3 ou dans un duplex sur I-Télé. En à peine cinq ans, Florian Phlippot est passé de total inconnu à interlocuteur privilégié des chaînes d’information continue et des journaux télévisés.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Demain à 8h35 retrouvez-moi sur @BFMTV et @RMCinfo pic.twitter.com/1NsxiW1tdU
— Florian Philippot (@f_philippot) 20 Décembre 2015
“Sa caractéristique numéro 1, c’est qu’il est très disponible. Il refuse très rarement une invitation, indique Hervé Béroud, le directeur de la rédaction de BFMTV. Son autre particularité au sein du parti, c’est qu’il est quasiment toujours à Paris. La plupart des autres élus FN sont très peu dans la capitale.” Devant une caméra, le vice-président du FN ne fait pas le difficile. “Il répond tout le temps. Peu importe le média”, confirme une journaliste de chaîne d’information continue. Toujours en costume, impeccable et prêt à dérouler son discours. “C’est comme s’il était déjà au maquillage, ironise une consoeur. On peut même le choper dans la rue, il va répondre. Avec Florian Philippot, c’est open bar.” Et quand le Petit Journal est blacklisté dans tous les événements du Front national, Philippot est le seul qui s’autorise une prise de parole face caméra.
Il donne du « tu » et des smileys
Décrit comme “neutre”, “courtois”, “poli” ou “cordial”, il est même estimé par les journalistes qui le suivent. “Rien à voir avec Marine Le Pen, qui râle, fait des caprices, appelle sans arrêt, note une journaliste politique. Les échanges avec lui peuvent être très tendus, mais quand les interviews sont terminées, il redevient très neutre. Et il n’appelle jamais avant pour qu’on lui donne les questions.” Régulièrement décrit comme un personnage austère, il peut pourtant se dérider quand il se sent en confiance, distribue les bises, donne du “tu” aux journalistes qu’il croise quotidiennement et envoie même quelques smileys par textos pour tenir au courant de son actualité.
“Je l’ai découvert en 2011, à l’époque où il présentait sous pseudonyme le programme économique du FN. Il était tout timide, pas du tout à l’aise”, raconte Abel Mestre, qui a longtemps couvert l’actualité du FN pour Le Monde. “En à peine trois mois, il a réussi à être partout. Il a un personnage très self control, très marketé, analyse pour sa part Tugdual Denis, de l’Express. Les autres élus du front, soit ils n’intéressent pas la télé, soit ils ont peur de déraper. Il a réussi à dépassionner les choses.”
Hautain et boudeur
Et s’il lui arrive d’être très véhément avec le traitement réservé au Front National par les médias, Florian Philippot ne boude jamais très longtemps. Jeudi dernier, il a été parmi les premiers à soutenir Marine Le Pen après ses tweets sur Daesh. Il s’est pourtant bien gardé d’appeler au boycott de la chaîne… Il y était invité de la matinale quatre jours plus tard. “Il adore la télé. Parfois il se fait désirer, alors je lui dis que je vais interviewer de Saint-Just ou Louis Aliot à la place, s’amuse une journaliste de chaîne d’info continue. Et là, curieusement, il se libère tout de suite.”
Insulter ceux qui dénoncent les horreurs de Daesh, c’est le premier pas vers la soumission, avant la compromission. #SoutienMLP
— Florian Philippot (@f_philippot) 16 Décembre 2015
Une complicité pas vraiment partagée avec la presse écrite. Loin des caméras, l’élu frontiste se révèle bien moins coulant. “Soupe au lait”, “hautain”, “agressif”, “désagréable”, c’est un tout autre personnage que décrivent les confères des magazines et des quotidiens nationaux. “Ça lui arrive de bouder, confirme Tugdual Denis. Peut-être que je suis parano, mais un jour, j’ai tweeté quelque chose sur son frère – un sujet très tendu pour lui – et il a annulé un rendez-vous que l’on avait quelques jours plus tard, sans donner d’explications.”
Cette semaine, dans VSD, un papier original de Stephanie Marteau, sur Florian Philippot. pic.twitter.com/dtgMxms5VW
— Tugdual Denis (@TugdualDenis) 6 Juin 2014
Des messages furieux
“La presse écrite ne l’intéresse pas, résume un journaliste. Il préfère les plateaux télés, où sa parole est sans filtre, plutôt qu’un article de presse dont il ne sait pas quelle citation sera reprise et quels propos seront vérifiés. Le fait qu’on fasse notre travail semble lui poser problème.” D’autant plus que l’élu n’hésite pas à régulièrement téléphoner ou envoyer des SMS – parfois même à la hiérarchie – pour se plaindre du traitement qui lui est réservé.
Car Florian Philippot lit et regarde tout ce qui touche de près ou de loin au FN. “C’est mon travail”, se justifie-t-il au téléphone. Très actif sur Twitter, il aime aussi prendre publiquement les journalistes à parti. “Et au besoin, il envoie sa jeune garde, des jeunes fidèles, très actifs également. Ça peut vite devenir envahissant”, raconte un journaliste. Parmi eux, Joffrey Bollée, qui a d’ailleurs lui-même eu quelques expériences en rédaction. Parfois, les contacts se rompent unilatéralement. “Nous n’avons plus aucun contact. Il refuse, par principe, de me parler, indique un autre. Ça ne l’empêche pas, quand il n’est pas content d’un papier, de m’envoyer des messages furieux. C’est le seul avec qui c’est si compliqué”
@A_Bambino tiens nous aussi on devrait aller pleurnicher à chaque insulte sur les réseaux sociaux. L’AFP fera bien une dépêche M.Bambino ?
— Florian Philippot (@f_philippot) 16 Décembre 2015
Une position assumée par le politique. “Quand je sens qu’il y a une mauvaise foi permanente, je ne me sens pas obligé de répondre”, glisse Florian Philippot, au téléphone, précisant seulement qu’il ne répond “jamais” au Lab d’Europe 1 : “Pour moi, ce ne sont pas des journalistes”.
Et tout en filtrant les “indésirables”, il continue de squatter les plateaux télés. “Les jours fériés, de toutes façons, on a Nathalie Arthaud et Florian Philippot”, lâche une journaliste télé. Rendez-vous le premier janvier ?
{"type":"Banniere-Basse"}