Toute une génération (re)découvre les musiques de films : normal qu’elles soient devenues, pour de nombreux musiciens, une source d’inspiration – voire de vol qualifié. Témoignages inédits, deuxième partie.
Shri de Badmarsh & Shri
La musique de film est pour moi un élément essentiel d’un film, ça met les visuels formidablement en valeur. Une BO fabrique un voyage parallèle à celui du film. La musique de film est une forme d’expression différente, une forme de musique différente, qui demande du mouvement et des visuels pour aller avec. Un de mes compositeurs favoris est Vangelis, j’aime aussi beaucoup celui qui fait la musique d’X-Files ? Mark Snow. Je vois un peu ma musique comme une musique de film imaginaire, j’ai toujours besoin d’avoir des éléments dramatiques en tête pour être capable d’écrire et ces éléments deviennent un vrai film dans mon esprit. J’ai déjà composé des musiques pour des films, sans difficultés ou contraintes particulières. J’essaie de me mettre autant que possible sur la même longueur d’ondes que le réalisateur du film. Ensuite, toutes les idées qui me viennent vont dans son sens et les choses roulent bien. Quand je vais voir un film au cinéma, je n’entends jamais la musique. Une musique bien composée en fonction du film qu’elle accompagne finit toujours par mettre le film en valeur et finalement passe elle-même inaperçue.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Piano Magic
Bigas Lunas nous a dit que la musique participait pour un tiers au film, et on le prend au mot. Les deux tiers restant, par contre, je ne sais pas ce que c’est. Ça fait maintenant quatre ans qu’on fait des musiques pour des films qui n’existent pas. Que quelqu’un ? Bigas Lunas ? nous ait proposé de faire la musique d’un film qui existe, Son de mar, a été un choc pour nous. C’est un peu comme être piégé à l’intérieur d’un serpent et trouver sa gueule subitement. Ce qui est le plus dur, quand on fait une BO, c’est d’essayer d’entrer dans la tête du réalisateur pour savoir exactement ce qu’il veut. Ensuite, c’est d’arrêter de se projeter sans cesse le film dans la tête à trois heures du matin quand on essaie de s’endormir. Un de mes compositeurs préférés est Zbigniew Preisner. Le travail qu’il a effectué pour les films de Krzysztof Kieslowski est extraordinaire. Je fais sous moi quand j’entends le morceau de la BO de La double vie de Véronique où la chanteuse meurt. Je n’achète pas beaucoup de BO. La dernière BO que j’ai achetée, c’est Music for films de Brian Eno, mais je ne suis pas sûr qu’un des morceaux ait été utilisé pour un film.
Rob
Mon rapport aux BO aux bande originales de films est intime et quotidien. La musique de film est devenue un genre musical à part entière et incontournable, qui a su engendrer des disques chef-d’ uvre capables d’exister sans le film qui l’a fait naître. Le plus saisissant survient peut-être lorsque les deux sont indissociables, comme dans certaines comédies musicales ou quelques projets spéciaux et souvent obscurs tels Journey through the past de Neil Young ou les Floyd à Pompei. Il me semble qu’on atteint ici un idéal de création tant dans la forme que dans le processus. L’idée que l’image et la musique se servent mutuellement laisse rêveur. J’admire évidemment tous les grands pontes de Moroder à de Roubaix, mais j’aime aussi découvrir des artistes d’autres sphères s’adonner à cet exercice, comme Christophe avec Clinic pour la BO de La Route de Salina ou William Sheller pour Erotissimo. Impossible de tous les citer, mais pour sûr, la BO de Profondo rosso par Goblin ou celle du Bal des vampires par Komeda, font partie de mes disques favoris, toutes catégories confondues’ L’idée de composer un album presque entièrement instrumental, où un même thème est réinterprété sous plusieurs versions porté par une ou deux vraies chansons-génériques, peut être merveilleuse. L’idée aussi d’un artiste comme Carpenter réalisant et composant New York 1997 laisse pantois. J’achète énormément de BO, maintenant il y a plein de films que je cherche. Les dernières que j’ai achetées, c’était Rancho deluxe de Jimmy Buffet et Good times de Sonny & Cher.
Howe Gelb
Pour moi, chaque musique est la bande-son d’une journée. Utilisée dans un film, c’est là où la musique prend tout son sens, particulièrement si elle n’est pas faite pour ça, comme Stuck in the middle with you de Steeler’s wheel, qui illustre cette fameuse scène de coupage d’oreille dans Reservoir dogs. Les films procurent une bonne occasion d’entendre de nouvelles choses et de revisiter de vieilles chansons ou de vieux groupes, rafraîchis par leur utilisation dans certaines scènes, comme Yes ou King Crimson dans le film de Vincent Gallo Buffalo ’66. La BO qui pour moi est la meilleure, et ce dans son intégralité, est Il était une fois dans l’Ouest, d’Ennio Morricone. Les musiques de film sont pour moi des sources d’inspiration, me donnent de l’élan, me poussent chez moi pour que je commence à écrire Comme la BO du Sixième sens, une boucle stupéfiante faite par un orchestre entier. Ma musique, je l’imagine en fait toujours comme une musique de film imaginaire. Quand je l’écoute dans la voiture, en roulant, le paysage me semble toujours en être la vidéo parfaite. Je n’achète pas énormément de BO, bien que j’en aie toujours l’intention quand je vais voir un film. Et puis ensuite je réalise que le film était tellement obscur, que la BO n’existe probablement pas en disque. Ou alors j’oublie dès que je quitte le cinéma. La dernière BO que j’ai achetée devait être une BO écrite par Ry Cooder.
Richard de Arling & Cameron
La musique de film doit surtout ne pas interférer, on ne devrait presque pas la remarquer et elle devrait être là pour renforcer ou changer l’atmosphère d’une scène. Quand on utilise des morceaux qui existent déjà, ils doivent être utilisés avec précautions, il vaut mieux ne pas utiliser de hits connus, ça distrait trop l’attention. Mes compositeurs favoris sont Bernard Herrmann (pour les BO d’Hitchcock, Taxi driver) et Henry Mancini. On ne connaît pas les compositeurs de BO modernes, mais on a bien aimé la musique d’American beauty, Crash, Out of sight (je crois que c’est David Holmes). Air également a fait du bon boulot pour Virgin suicides. Notre morceau Le Flic et la fille a déjà été utilisé dans une série télé américaine ? Popular, sur Warner Channel ?, ainsi que pas mal d’autres de nos morceaux.. Mais on préférerait écrire de nouvelles musiques pour un film plutôt que de voir les morceaux de Music for imaginary films utilisés. Sinon, on a déjà composé toute la musique d’une série documentaire sur l’histoire des séries télé de science fiction pour Sci-Fi Channel. Quatre semaines de travail très dur même si le job était assez simple. Ils avaient besoin d’un thème et de différentes versions de ce thème dans plein de styles et d’ambiances différentes, soit 146 morceaux au total, à utiliser comme toile de fond ou effets. On a été surpris par la liberté qu’ils nous ont laissé ensuite.
{"type":"Banniere-Basse"}