Double album bouillonnant et régulièrement impressionnant, You’ me us’ pourrait bien sortir Richard Thompson de son confortable anonymat. La première écoute de You’ me us’ est sans surprise. C’est du Richard Thompson emballé par Mitchell Froom, soit cette désormais habituelle production au carré, machinique et un peu décérébrée, qui a pas mal contribué depuis quelques […]
Double album bouillonnant et régulièrement impressionnant, You’ me us’ pourrait bien sortir Richard Thompson de son confortable anonymat.
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La première écoute de You’ me us’ est sans surprise. C’est du Richard Thompson emballé par Mitchell Froom, soit cette désormais habituelle production au carré, machinique et un peu décérébrée, qui a pas mal contribué depuis quelques disques à brouiller l’image commode de folk-rockeux qui lui collait aux basques. Soit encore une fois la tentation de ne pas s’attarder sur un album qu’on dira paresseusement « trop commercial », « pareil à tous ses autres disques Capitol », en regrettant le bon vieux temps d’I want to see the bright lights tonight ou de Shoot out the light. Cette même tentation qu’on avait eue avec Mirror blue, avant d’en découvrir l’excellence, longtemps après. Avant de reconnaître que le tour un peu pop donné par l’agaçant Froom ne manquait finalement pas de pertinence, qu’il y a dans la musique de Richard Thompson un petit quelque chose de frénétique qui appelait cette manière déconstruite à mi-chemin entre le folk, Devo et le Tom Waits de Bone machine (pour faire court).
Et c’est ce nouveau Thompson qu’on a envie de défendre, parce qu’à bien y regarder, sa discographie récente a fière allure, elle mérite mieux que l’espèce de condescendance nostalgique qu’elle suscite souvent. Et parce qu’au lieu de résumer continuellement l’homme à la sinistrose de ses paroles, il faudrait dire une fois pour toutes l’extraordinaire vitalité de sa musique. Pour ça, You’ me us’ tombe à pic : c’est un de ses tout meilleurs disques. Mi-électrique, mi-acoustique, il montre toutes les facettes d’un talent multiforme, qui passe allégrement des relents rockab de Train don’t leave au punk arabe de She steers by lightning, du folk de tout le deuxième disque à un No’s not a word qui évoque curieusement les Cars sombres de Panorama, le tout sans jamais donner l’impression de s’éparpiller.
Du disque acoustique, magnifique de bout en bout, il n’y a pas grand-chose à dire. En solo intégral ou accompagné de la contrebasse de Danny Thompson et d’un violon, il y fait preuve d’une présence et d’une musicalité impressionnantes. Mais il y a mieux sur l’autre disque. Parce que c’est quand même avec une guitare électrique dans les pattes qu’il reste le plus excitant. Là, on ne sait jamais très bien où il va nous emmener, avec ce jeu à faire passer Tom Verlaine pour Marcel Dadi, avec ces solos de possédé que Patrick Humphries, dans la récente biographie qu’il lui a consacrée, compare aux tableaux de Francis Bacon. Illustration ici, deux sommets incroyables, deux claques qui vous laissent épuisés à force d’intensité : Bank vault in heaven et surtout le très hargneux Put it there Pal. A l’aise sa plus grande chanson où, tandis qu’il éructe sa vindicte (« The sun shines out of your arse ») et que le solo final achève de vous époustoufler, on se prend à penser que lui qui s’accommode parfaitement d’une relative confidentialité ferait bien de faire gaffe : encore un disque de ce calibre et il finira par être vraiment connu. Comme il mériterait de l’être.
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