A l’opposé de l’incroyable BoJack Horseman lancée en 2014, la nouvelle série animée produite par Netflix sur une idée du comique américain Bill Burr copie-colle les codes du genre sans les comprendre, et bâcle ses intrigues au profit d’une nostalgie mal placée.
On savait déjà que le paysage des séries animées regorgeait de pépites, de moments de grâce ou d’hilarité. Mais depuis quelques années, avec l’arrivée de Bob’s Burgers, et plus récemment Rick and Morty et BoJack Horseman, un nouveau palier a été franchi en terme d’explosion de sentiments, de finesse et de profondeur. La découverte de F is for family n’en est que plus amère. La nouvelle série produite par Netflix est un accident industriel comme on en a rarement vu.
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https://www.youtube.com/watch?v=HFzrvMS6P8g
Vendue comme une « comédie familiale », F is for Family ne fait honneur a aucun de ces qualificatifs. Elle est portée par Bill Burr, comique américain reconnu qui aime s’attaquer à la « bien pensance », et qui s’est fait une joie de lui mener une guerre ouverte dans la série qu’il dit avoir « toujours rêvé de faire« .
Mais là où South Park réussit, depuis le début de sa dix-neuvième saison, à rire du « politiquement correct » avec subtilité et nuancé, F is for Family est une accumulation bourrine de blagues racistes et sexistes qui n’avance aucun propos. Tout y passe : le seul personnage noir est obèse et parle avec un gros accent, les deux enfants caïds de la ville sont des rednecks édentés stupides. Les femmes sont quant à elles des caricatures de blondes aux gros seins qui se cambrent pour dire bonjour et ne comprennent pas quand les hommes parlent. Seule l’épouse du héros s’en sort avec une once de personnalité, et avec l’unique scène à sauver sur les six épisodes que compte cette première saison (lorsqu’elle se retrouve seule dans une cuisine vide, avec du « temps libre » à tuer, et se rend compte qu’elle n’a ni envie ni passion pour le combler).
F is for family n’a rien d’une série animée
Sous couvert d’avoir situé la série dans les années 1970, Burr et son acolyte le scénariste Michael Price (pourtant venu des Simpson) se permettent toutes les offenses, sans apporter la touche de recul nécessaire à l’instauration d’un second degré, pourtant obligatoire au genre. Car F is for family n’a en fait rien d’une série animée ; tout juste a-t-on l’impression que ses créateurs en ont copié-collé les codes sans les comprendre.
Ainsi, on retrouve la fausse série d’action que les personnages aiment regarder en mangeant devant la télé, mais on ne rit pas une seule fois devant les tribulations d’un énième homme macho sûr de lui (il faut dire que Rick and Morty a déjà fait ce qui pouvait se faire de mieux en matière de mise en abime de faux programmes tv). On repère aussi le voisin parfait à qui tout réussit, ennemi juré de tout bon héros de série animée, qui n’est ici envié que parce qu’il roule dans une grosse voiture et se fait tailler une pipe par deux blondes sur son canapé.
Les arcs narratifs déployés sont, quant à eux, typiques d’une mauvaise sitcom qui aurait copié dix fois ses prédécesseurs. Si elle avait été tournée avec des acteurs de chair et d’os, dans des décors de carton-pâte, c’est d’ailleurs probablement ce qu’elle serait devenue. Mais il n’est pas difficile de voir sous la couche de vernis apportée par le dessin. On doit ainsi supporter le coup du petit garçon qui a cassé la nouvelle télévision de son papa et n’ose pas lui avouer, celui du mari jaloux qui fait rater un entretien d’embauche à sa femme (qui lui pardonnera et oubliera en quelques heures) parce qu’il a peur de son indépendance, ou le père de famille qui amène son adolescent au travail pour qu’il connaisse la « vraie vie » et où l’ado finit par mieux comprendre son paternel qui cravache dur pour le nourrir.
Le générique de la série montre un homme – derrière lequel Bill Burr ne prend pas la peine de se cacher ; tout juste a-t-il accordé un peu plus de cheveux à son avatar – qui a choisi de fonder une famille et qui est, mécaniquement, devenu un peu plus chauve, un peu plus gros et beaucoup plus triste. Alors la crise de la quarantaine aurait pu être traitée avec intensité et originalité, faisant par exemple de son héros un réel méchant, on ne ressent finalement que de l’aigreur maquillée en mélancolie. La nostalgie est quant à elle bien réelle : nostalgie grotesque d’un « temps où on pouvait frapper ses gosses, fumer à l’intérieur et apporter un flingue à l’aéroport », comme le décrivait le pitch de la série à ses débuts. De quoi se faire une dernière dose de propos réac avant d’entamer 2016.
Marie Turcan
F is for family, la première saison de 6 épisodes, sur Netflix
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