On découvre une voix jamaïcaine exceptionnelle, réhabilitée par un album somptueux, où le laboratoire On-U Sound fait des merveilles de sensualité et de retenue. Comme une perle de rosée jaillie d’un volcan, Miracle c’est bien le mot s’échappe du laboratoire On-U Sound. L’alchimiste Adrian Sherwood, spécialiste depuis quinze ans des concoctions plombées, précipités […]
On découvre une voix jamaïcaine exceptionnelle, réhabilitée par un album somptueux, où le laboratoire On-U Sound fait des merveilles de sensualité et de retenue.
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Comme une perle de rosée jaillie d’un volcan, Miracle c’est bien le mot s’échappe du laboratoire On-U Sound. L’alchimiste Adrian Sherwood, spécialiste depuis quinze ans des concoctions plombées, précipités de matières électro-funk, dub et industrielles, a distillé un philtre aérien. Formule de base : ganja, Gange et acoustique. Amoureux depuis l’enfance des rythmes de Kingston, Adrian le sorcier a voulu régénérer Bim le rasta oublié. Né en Jamaïque il y a une quarantaine d’années, Bim Sherman y débutera sans jamais percer. Immigré à Londres en 1978, il verra l’injustice se prolonger. Si un noyau de fans dont Sherwood pour qui il enregistrera The Red sea en 1982 vouent un culte à sa voix d’or, il est resté jusqu’à aujourd’hui le plus sous-estimé des chanteurs de reggae, un de ses songwriters les plus méconnus. On pourrait comparer son timbre au vol d’un oiseau, à la fraîcheur d’une source, à la caresse veloutée du miel. En Jamaïque, son cousin le plus proche serait sans doute Gregory Isaacs, à l’époque où le cool ruler du lover’s rock ne s’était pas encore abîmé dans un océan de dope. Comme lui, Bim Sherman est plus doué pour les langueurs amoureuses que pour l’adoration de Jah.
Conscient mieux que personne de la singularité des matières, Adrian Sherwood a tout fait pour révéler la texture unique de l’organe de Sherman, devenu à cette occasion objet et sujet d’expérience. Premier parti pris : sortir les chansons de leur décor naturel. Oter la carapace obligée de chaloupements tropicaux, batterie à contre-temps et riffs métronomiques. Dans le dub, l’exercice de dépouillement consiste à augmenter les volumes sonores, à insérer dans ce striptease instrumental des effets de vibrations et de tournoiements. Ici, l’épure résonne avec limpidité et nous éloigne des îles. L’humeur légère d’une guitare sèche se faufile auprès de la voix aux plaintes de velours. A la six-cordes et à la basse, aussi grave que discrète, Sherwood a convoqué les as du studio, Skip McDonald et Doug Wimbish, éternels acolytes d’On-U Sound (les disques de Tackhead, Little Axe, Gary Clail) qu’on n’avait jamais entendus aussi économes de leur technique. Mais il fallait aussi oser une rencontre. Aux senteurs boisées de l’acoustique, à celles, voluptueuses, du spliff, les Londoniens ont ajouté des vapeurs d’encens, des tablas et les arrangements de cordes du Studio Beats Orchestra de Bombay. Ce n’est pas la première fois que l’Inde et la Jamaïque se croisent sur la Tamise. Ragga et banghra ont souvent échangé leurs tourbillons rythmiques. Si elles préfèrent la lascivité à la transe, les mélodies du lover’s rock profitent à leur tour de ce métissage, y gagnent en étrangeté Bewildered, par exemple, a le scintillement psychédélique d’un hymne de Phil Spector produit à Hollywood. Comme les chansons des Beatles en visite chez le maharashi, Can’t I be free from crying se trouble de visions lysergiques. Mais ces touches hindouisantes magnifiquement orchestrées subliment surtout le détachement et la sérénité de ce chanteur unique qui, mi-Leonard Cohen mi-Marvin Gaye des tropiques, fait de son spleen un instrument sensuel et distingué.
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