Denis Robert, auteur de Mohicans, une autre histoire de Charlie Hebdo, a écrit une lettre à l’éditeur de Philippe Val dénonçant plusieurs « contrevérités » contenues dans son propre livre, C’était Charlie.
« L’ouvrage de Philippe Val (C’était Charlie) contient de nombreuses inexactitudes, erreurs et contrevérités ». Quelques mois après la parution de ce livre, le 12 novembre dernier, le journaliste Denis Robert, adversaire de longue date de Philippe Val et récemment auteur de Mohicans (un livre sur l’histoire de Charlie Hebdo mais aussi d’Hara-Kiri, aux éditions Julliard), monte au créneau. D’après lui, plusieurs personnes se sont émues des inexactitudes contenues dans le livre de l’ancien rédacteur en chef, puis directeur de la publication de Charlie Hebdo (jusqu’en 2009). Il a donc écrit une lettre à l’éditeur de Philippe Val, relue par Laurent et Jérôme Cavanna, Virginie Vernay, Catherine et Bob Sinet, Francis Kuntz, François Forcadell, Frédéric Thouron, Sylvie Caster et Marie Montant – tous d’anciens de Charlie, ou membres de leur famille – « dans le seul souci de respecter la vérité ».
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Le « révisionnisme » de Philippe Val
Il y énumère toutes les « erreurs » qu’il a recensées, et accuse Philippe Val de « révisionnisme » sur l’histoire de Charlie. Par exemple : « Il n’y a jamais eu à l’intérieur de l’équipe de Charlie (sauf dans l’esprit de votre auteur) de fracture concernant l’antisémitisme ».
L’essentiel des rectifications de Denis Robert portent sur le fait que Cavanna, pourtant un pilier de l’hebdomadaire, ait été dépossédé du titre et ait été contraint de piger toute sa vie pour subvenir à ses besoins. Denis Robert a en effet recueilli le témoignage de Delfeil de Ton dans son documentaire Jusqu’à l’ultime seconde j’écrirai, qui révèle qu’il ne gagnait que 0,44 % des revenus de Charlie, alors que Philippe Val s’en octroyait une part de 60 %.
Sur ce point, Denis Robert précise qu’il n’accuse pas Philippe Val d’avoir obligé Cavanna à signer le contrat qui le spoliait, mais que la méthode a été « assurément plus fine » :
« J’ai consulté et publié des documents judiciaires qui montrent que, contraint par Me Dartevelle, Philippe Val a fini, après trois ans de refus, par signer un contrat de cession octroyant 0,44 % sur les ventes de Charlie Hebdo à Cavanna. Pourcentage ridiculement bas et sans rapport avec le rôle de Cavanna dans la création de Charlie Hebdo.
Contrairement à ce qu’évoque votre auteur, Cavanna n’a jamais été convié à obtenir des parts dans les éditions Rotative et a dû batailler pour obtenir ce maigre pourcentage. »
Cavanna n’a pas bénéficié de protection
Résolument attaché à la figure tutélaire de Cavanna (mort en 2014), Denis Robert précise que contrairement à ce qu’affirme Philippe Val, tous les collaborateurs de Charlie n’ont pas bénéficié de protection : « Cavanna […] continuait à traverser Paris, seul, à pied afin de se rendre au journal et à qui on n’a jamais proposé la moindre protection ! »
Enfin, Denis Robert accuse Philippe Val de faire à plusieurs reprises « parler les morts » en leur faisant tenir des propos « invraisemblables » : Gébé l’aurait ainsi remercié « pour tout ce qu’il avait fait pour lui » – alors que Gébé n’appréciait guère Philippe Val –, et Cavanna l’aurait « alarmé sur Choron, sur Siné, sur Delfeil de Ton et même sur Sylvie Caster ». « Tout cela, de l’avis des intéressés comme de Cavanna, ne peut correspondre à la vérité », explique Denis Robert.
« Val a provoqué le départ de tous ceux qui étaient en désaccord avec lui »
Amèrement, il conclut par une dernière saillie contre Philippe Val :
« Tous ceux qui ont pris part à ce courrier trouvent erronée la présentation faite de Charlie Hebdo, dépeint comme un journal où toutes les opinions pouvaient s’exprimer et où tout finissait dans ‘un grand éclat de rire’. Votre auteur a licencié ou provoqué le départ de tous ceux (Olivier Cyran, François Camé, Mona Cholet, Lefred Thouron, et quelques autres) qui étaient en désaccord avec lui. »
En 2008, Denis Robert a été au cœur d’une polémique qui l’a opposé au directeur de Charlie Hebdo. Celui-ci avait attaqué son enquête sur l’affaire Clearstream. A l’époque, l’avocat de Clearstream, Richard Malka, était aussi l’avocat de Charlie Hebdo.
« Je n’ai jamais envisagé de travailler dans ce journal »
Dans son livre, Philippe Val accorde quelques pages à Denis Robert pour expliquer sa version de l’origine du conflit qui les oppose. Il écrit :
« Pendant les dix-sept ans que j’ai passé à Charlie, Denis Robert a toujours plus ou moins rôdé autour du journal. Il est intéressant que le lecteur possède quelques informations. Je le reçois dans mon bureau, l’entretien est plutôt cordial, il aimerait beaucoup travailler à Charlie. Je ne suis pas convaincu, et lui demande de m’accorder un temps pour réfléchir. Deuxième rendez-vous, je dis à Denis Robert que nous ne travaillerons pas ensemble, qu’il me fait l’effet de ce qu’on trouve de pire chez les journalistes d’investigation, ceux qui ignorent les faits qui déversent leurs convictions : ce sont les journalistes à thèses et les justiciers. Il faut les fuir comme la peste. »
Là encore, Denis Robert dément formellement : « Je ne l’ai jamais rencontré, n’ai jamais mis les pieds à Charlie Hebdo. Et n’ai jamais envisagé de travailler dans ce journal ». Le 4 novembre 2015, Laurent Goumarre avait invité Denis Robert et Philippe Val à débattre dans son émission sur France Inter. Le second avait décliné.
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