En robe de Jane Eyre, romantique et inquiète, Heidi Berry chasse les sirènes du folk anglais sur une lande brumeuse. Quand on parvient à faire se côtoyer, sur le registre de l’état civil, le prénom d’une fillette innocente héroïne puérile de récits alpestres à l’eau de rose et le patronyme du plus pervers […]
En robe de Jane Eyre, romantique et inquiète, Heidi Berry chasse les sirènes du folk anglais sur une lande brumeuse.
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Quand on parvient à faire se côtoyer, sur le registre de l’état civil, le prénom d’une fillette innocente héroïne puérile de récits alpestres à l’eau de rose et le patronyme du plus pervers des pépères de l’histoire dissolue du rock’n’roll, on cultive forcément l’art du paradoxe. Heidi Berry est américaine et pratique le folk. Partant, la logique voudrait qu’elle soit une Margo Timmins de plus, une autre de ces muses tristes de la country nubile qui berce mélancoliquement le cowboy frustré qui reste blotti au fond de chacun d’entre nous. Mais Dieu merci, le rock, chien fou pas cartésien pour deux sous, n’a jamais tellement aimé fricoter avec la logique. Aux feux de camp et aux salopettes de sa prairie natale, Heidi Berry a toujours préféré les promenades en robe de Jane Eyre dans les landes romantiques d’une vieille Angleterre qui l’accueille avec bienséance depuis quatre albums déracinés. Et c’est à un autre sérail de divas éminemment anglaises que la dame se pique désormais d’appartenir : la coterie de ces voix séraphiques Sandy Denny, Maddy Prior, Lal Waterson, Linda Thompson, June Tabor qui cristallisent le meilleur du folk-rock britannique, genre peu couru mais décidément inaltérable, caparaçonné à perpétuité contre l’usure du temps et les bourrasques des modes fugitives. C’est dire qu’avec Miracle on est bien loin des débuts très calibrés d’Heidi Berry chez 4AD, bien loin des mélopées éthérées invertébrées et vaguement lénifiantes qui donnaient à Love des airs de vieux pneu crevé, voilà déjà cinq ans. Aujourd’hui, les fans de Cocteau Twins et de Dead Can Dance ont fait leur deuil d’Heidi Berry, mais les Watersons, Fairport Convention et autres Steeleye Span ont enfin trouvé une héritière en la personne de cette jeune cousine d’Amérique. Miracle s’inscrit tout entier dans cette tradition de l’ombre : répertoire tatoué du sceau du folklore celtique, scansion onirique de l’écriture, forme dissolue de l’instrumentation taillée aux arbres de la forêt de Brocéliande dominée par les circonvolutions d’un violon à la tête chercheuse. Ici, même le Darkness darkness des Youngbloods (cousins surdoués des Byrds) s’est débarrassé de son fuzz corrosif pour mieux se rouler dans la bruyère. Heidi Berry cultive cette parcelle de brande ingrate avec l’ardeur de la débutante et la circonspection de celle qui sait qu’elle ne sait pas encore. Jamais sa voix diaphane ne se disperse en prouesses gratuites, tout entière concentrée sur le canevas de chansons égarées tout au fond de la brume. Depuis qu’on est partis à leur recherche, on ne goûte plus tellement la brûlure du soleil.
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