Dark de triomphe. Une voix exceptionnelle, un groupe savant et sobre : l’hiver a déjà trouvé sa bande-son, triste à pleurer de joie. On n’a pas tous les jours la chance de fréquenter le sublime. Alors on s’arrêtera longuement sur Elysian Fields. On s’y vautrera, complètement sagouins, enivrés par la sensualité aux odeurs fortes de […]
Dark de triomphe. Une voix exceptionnelle, un groupe savant et sobre : l’hiver a déjà trouvé sa bande-son, triste à pleurer de joie.
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On n’a pas tous les jours la chance de fréquenter le sublime. Alors on s’arrêtera longuement sur Elysian Fields. On s’y vautrera, complètement sagouins, enivrés par la sensualité aux odeurs fortes de la troublante Jennifer Charles, le devoir de réserve entièrement soumis à ce son vénéneux. Un son qui griffe le dos, glace les sangs, le plus enveloppant depuis Spain, le plus voluptueux depuis Mazzy Star. Avec Elysian Fields en troisième angle, le plus pointu et tranchant, ils forment cet étonnant triangle des Bermudes du rock américain, un faux calme où les tempêtes éclatent sans crier gare, une mer de miel où les récifs déchirent les âmes perdues. On s’était mariés sans réfléchir une seule seconde avec leur premier maxi, Stars (ici glorieusement présent), soumission sans conditions à cette musicalité assez effarante. On y avait repéré la guitare de Marc Ribot, l’ombre énigmatique de John Lurie, on y avait croisé un groupe au langage érudit mais humble. Visiblement, Elysian Fields avait écouté tout le jazz, tout le rock, tout le blues mais ses jolies guitares, ses pianos soignés, sa voix tremblante et sa batterie souple n’étaient pas bavards, pas du tout portés sur l’exposé. On travaille chez ces New-Yorkais comme chez les bouilleurs de cru, on distille par le haut, avec des recettes strictement personnelles. Magnifiquement égoïstes, ils continuent ici de distribuer leur savoir du bout des lèvres, économes de tout artifice, comme si toute l’histoire de la musique mélancolique pouvait tenir en ces quelques phrases, entrecoupées de silences glaçants. Souvent, une voix et une guitare effroyablement tristes suffisent à illuminer Bleed your ceddar. Et pourtant, partout, la même impression de luxe, de raffinement : là où Smog et Palace s’habillent de bure, incommode, Elysian Fields ne connaît que le velours et la soie. Dans la cour des miracles des clochards célestes du rock dépressif, on découvre une reine et son palais, avec chauffage à tous les étages, confort à tous les états d’âme. Et quand Jennifer Charles, garce au possible, quitte cet album sorcier en susurrant « Je suis ta sirène/Compliquée mais merveilleuse/Dès que tu me vois/Je disparais », on se met à envier, comme jamais, le salaud qui jouait L’Homme de l’Atlantide.
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