Il y a quatre ans, quand Obama avait été élu pour la première fois, tout le monde était descendu dans la rue pour fêter l’événement dans l’ancien ghetto de Bed Stuy, à Brooklyn. Cette-fois ci, pas de fête. Seulement du soulagement. Reportage.
C’est la fête au Vodou Bar, à Bed Stuy, où les forces vives du quartier se sont donnés rendez-vous pour la victoire. Le DJ scratche Notorious B.I.G., l’enfant du pays. Sur la poitrine de China, la serveuse métisse rasée à blanc, une breloque dorée résume tout ce qu’on attendait de Bed Stuy : « VOTE ». Dans ce club situé dans l’ancien ghetto emblématique de Brooklyn, immortalisé dans les films de Spike Lee, on trinque et on se trémousse.
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Bières, cocktails, mousseux coulent à flot et les corps deviennent élastique sous l’effet de l’alcool et du ragga. « Four more years of a Black President ! Huh ! » s’époumone le le DJ. Ça n’avait pas l’air gagné sur le papier, mais on y est : Obama reste aux commandes. On lève les bras en l’air, quatre doigts ouverts : putain, quatre ans.
« On est drôlement soulagés, rigole China. Même si c’est pas pareil, ça me rappelle la folie de 2008. La ville était électrique. Dans les métros, les rues, les bus, c’était Halloween, Noël et ton anniversaire réunis. Ce soir, c’est plus un soulagement, je dirais. »
Il est minuit passée, CNN a donné son verdict sur la télé suspendue au plafond. Le bar se remplit de locaux au look mitigé, plus ou moins ghetto, plus ou moins casual, voire carrément chic. On trinque à la victoire. A une heure du matin, retransmission du discours de Mitt Romney qui reconnaît sa défaite, entre commandes de tournées et huées. A deux heures, au tour de Barack de faire son discours. Là, on coupe la musique. Barack apparaît avec ses deux filles et Michelle : empathie garantie, vivats, champagne.
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Seuls ceux qui ont du fric à dépenser ou un boulot freelance font la fête
Longtemps synonyme de l’ultime misère urbaine, Bed Stuy (Bedford-Stuyvesant pour Google Map, un nom que personne n’utilise) est devenu aujourd’hui un quartier tampon entre hipsters et Caribéens. Obamaniaque par excellence et par essence. En quatre ans, le quartier a changé. En 2008, il n’y avait pas de bar nocturne à Bed Stuy. Tout le monde était sorti, ivre de bonheur.
« La fête dans les rues était juste énorme. On avait sorti les ghetto blasters, du rap des 90’s à fond la caisse », se souvient Alan Jones, un local, aujourd’hui responsable publicité pour MTV.
Ce soir, Obama est réélu sans klaxons dans les rues, sans scènes de liesse. Ce n’est pas spécifique à Bed Stuy. Les fêtards venus de Manhattan disent n’avoir rien vu de spécial le long des rues. Une soirée diablement normale. Devant le Vodou, sur Nostrand avenue, les bus de la ville charrient les travailleurs de nuit, ils ont la même tête fatiguée que d’habitude. Les gens qui bosseront demain dorment. Seuls les chanceux qui ont du fric à dépenser ou un boulot freelance répondent présent pour faire la fête. La liesse est introuvable : peut-être que ce soir, elle n’existe pas.
Le mot adéquat à New York serait peut-être « relief » : soulagement. Soulagement qu’Obama puisse continuer le chemin. Le président n’a pas changé la vie des New-Yorkais mais de l’avis des clients, il a courbé le bâton dans le bon sens. « Il y a quatre ans personne n’y croyait, détaille Kevon Greene, un rasta de deux mètres de haut. Alors on était comme des fous. Ce soir, c’est différent : le favori a gagné. » Kevon bosse pour PBS, la chaîne publique américaine. Mitt Romney voulait couper les vivres de PBS pour économiser de l’argent public ; clairement, Kevon jouait gros dans cette élection.
« Je vais te dire : on savait tous qu’Obama allait gagner, dans le landerneau. Tu connais les combats de boxes ? Une élection, c’est pareil. Les médias font de la mousse pour que ça soit excitant, mais personne n’était dupe. A 20h30, je connaissais déjà le résultat : dans l’Ohio, c’était plié. »
« Un Noir président, un démocrate président, ça change toujours d’un gros con comme Bush ou Romney. Obama est toujours là et je suis heureux, ce soir. J’ai étudié en Angleterre pendant la présidence Bush, et tout le monde se foutait de ma gueule, me demandait ce qui clochait chez nous, les Américains. »
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