« LaCinetek », plateforme VOD initiée par plusieurs cinéastes, se lance aujourd’hui sur la toile. On vous explique son concept.
La cinémathèque des réalisateurs, association fondée en 2014 par Pascale Ferran et Cédric Klapisch, lance ce jeudi 5 novembre LaCinetek, une plateforme de VàD (Vidéo à la Demande) accessible en ligne dont le principal moteur est la cinéphilie. Son principe : inviter des cinéastes reconnus (en France comme à l’internationale) à sélectionner 50 films ayant pour eux une signification particulière. Ces films, qui regroupent classiques du 7ème art et raretés jusqu’ici invisibles en VàD, sont mis à disposition des internautes, qui peuvent à l’envie les acheter ou les louer. En sus, des bonus accessibles gratuitement donnent la parole aux cinéastes ayant contribué au site.
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LaCinetek en chiffres
La liste des 26 premiers réalisateurs associés, qui proposent chacun une liste de 50 films, se veut plurielle. On retrouve ainsi Agnès Varda, Bertrand Bonello, Olivier Assayas, Arnaud Desplechin ou Céline Sciamma au côté de Jacques Audiard, Jean-Pierre Jeunet, Cédric Klapisch ou Christophe Gans. Si la liste est pour le moment occupée par des réalisateurs français, quelques cinéastes étrangers de renom viennent apporter au projet une caution internationale (parmi lesquels Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-Eda, James Gray ou encore Bong Joon-ho ). LaCinetek a pour vocation de proposer tous les mois la sélection d’un nouveau cinéaste et venir ainsi étoffer son offre de 600 films par an.
L’objectif est clair : proposer un service VàD innovant, nourri par la cinéphilie, et préférant aux algorithmes rendus célèbres par des plateformes concurrentes (Netflix en tête) un procédé de recommandation humanisé, crédité par le sceau des cinéastes reconnus. Sur les 900 films issus de la sélection des différents réalisateurs associés, seuls 400 sont pour l’instant disponibles , les autres étant en voie d’acquisition. Parmi ces 400 films, 140 sont à ce jour inédits en VàD, l’ambition de LaCinetek étant de multiplier les oeuvres jusqu’ici invisibles sur des plateformes équivalentes. Au niveau pécuniaire, le site s’aligne sur les prix du marché et les tarifs pratiqués par la concurrence : 3,99€ pour la location d’un film au format HD (2,99€ au format SD) et 9,99€ pour l’achat (7,99€ au format SD). A terme, le site compte développer un système de forfait, annuel ou mensuel,.
Un projet né « sur un trottoir parisien en fumant des cigarettes«
A l’occasion d’une conférence de presse, organisée dans le sillage du lancement de LaCinetek, plusieurs contributeurs sont intervenus, à commencer par Pascale Ferran, l’une des initiatrices du projet. La cinéaste a expliqué que le projet était né « sur un trottoir parisien en fumant des cigarettes« , et plus précisément au cours d’une discussion entre Alain Rocca, le président d’UniversCiné (première plateforme VàD consacrée au film d’auteur) et les cinéastes Laurent Cantet, Cédric Klapisch. En partant du constat qu’il n’existait aucune grande plateforme de VàD française proposant de grands classiques, et que les grands rendez-vous télévisuels mettant à l’honneur le patrimoine du 7ème Art (le Ciné-Club d’antenne 2, Cinémas, cinémas…) avaient disparu des grilles de programme, le petit groupe a mis en oeuvre le concept de LaCinetek, auquel plusieurs cinéastes n’ont pas tardé à s’allier.
La ministre de la culture, présente pour l’occasion, a insisté sur l’importance de mettre en avant « le patrimoine cinématographique mondial sur une plateforme VàD française« , et a félicité l’initiative de LaCinetek de proposer des films inédits, « contre la stigmatisation du goût« . Fleur Pellerin est aussi revenue sur la les solutions apportées par le site contre le piratage de masse: « [LaCinetek] s’emploie à lutter contre l’offre illégale et à faciliter l’offre légale« . Un discours également partagé par Laurent Cantet et Alain Rocca.
Sélectionner 50 films, un exercice ardu
De nombreux cinéastes ayant contribué au projet, et donc fourni leur liste de films, étaient également présents. Ils sont revenus, chacun à leur manière, sur la façon dont ils ont sélectionné les 50 films, exercice des plus complexes. Agnès Varda aurait ainsi eu plutôt tendance à en sélectionner 100, tant l’exercice lui a semblé ardu. La cinéaste s’est donc évertuée à sélectionner principalement des « films tristes, fragiles et rares, qui ne passent jamais à la télé« . Costa-Gavras était pour sa part réticent au départ, mais les listes de ses homologues l’ont enthousiasmé. Jean-Pierre Jeunet s’est contraint à sélectionner un réalisateur par film « à l’exception de Marcel Carné » qui apparait à deux reprises dans sa liste. Christian Rouaud a quant à lui fait la part belle aux documentaires tandis que Céline Sciamma, cadette du groupe, a mis en avant des films de sa génération, et fait de la place à des genres moins représentés, comme les films d’animation ou le cinéma queer.
Ainsi, chaque sélection dit quelque chose du cinéaste à sa conception. Là où la liste de Bertrand Bonello est pointue, recensant quelques raretés (comme A tout prendre, l’un des premiers films d’autofiction, signé par le Canadien Claude Jutra), celle de Jacques Audiard fait la part belle aux cinéastes français patrimoniaux old school tels qu’Henri-George Clouzot (Le salaire de la peur) et Julien Duvivier (La belle équipe). Arnaud Desplechin a quant à lui concentré ses choix sur la première partie du XXe Siècle (seuls 7 films sur 50 datent d’après 1950). Figurent dans sa liste des monstres sacrés du cinéma muet, tels que Söjström, Murnau ou Dreyer, mais aussi des cinéastes moins connus à l’instar d’Olga Preobrajenskaïa, à qui l’on doit Le Village du péché, premier film féministe de l’ère soviétique. Olivier Assayas propose pour sa part aussi bien Intolérance de D.W. Griffith qu’Invocaton of my demon brother, court-métrage du cinéaste underground Kenneth Anger.
On retrouve, sans mystères, beaucoup de Jacques Demy dans la sélection d’Agnès Varda (Peau d’âne, Une chambre en ville, Les demoiselles…) le cinéaste étant par ailleurs l’un des plus représentés sur l’ensemble des listes. Céline Sciamma fait la part belle aux blockbusters hollywoodiens et au cinéma d’animation, Star Wars V ou E.T. figurant au côté d’Akira et de Mon voisin Totoro. Du côté des réalisateurs étrangers, James Gray met à l’honneur les grands cinéastes italiens, avec plusieurs films de Federico Fellini (Amarcord, La Dolce Vita, Huit et demi…) et de Luchino Visconti (Rocco et ses frères, Le Guépard…) tandis Bong Joon-ho propose plusieurs films son aïeul Kim Ki-Young (Face, La servante, La Femme-insecte) – cinéaste sud-coréen peu connu en occident mais culte en Corée – ainsi qu’un grand nombres de cinéastes issus du nouvel Hollywood (Scorsese, De Palma, Cimino, Coppola). La liste d’Apichatpong Weerasethakul est quant à elle l’une des plus hétéroclites, proposant aussi bien Free Radicals, court-métrage d’animation du cinéaste expérimental russe Lye Len, que Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper ou Bienvenue à Gattaca d’Andrew Niccol.
LaCinetek est accessible depuis aujourd’hui et propose déjà un catalogue conséquent, qui devrait s’agrémenter au fil des acquisitions. Rendez-vous ici.
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