On est au festival Iceland Airwaves : on vous raconte nos premiers coups de coeur et découvertes.
Nous sommes en Islande, venards grelottants mais veinards surtout, pour assister à l’énorme raout musical de l’année, le festival Iceland Airwaves : deux jours ont déjà passé, et voici quelques impressions, découvertes, confirmations et surprises.
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L’EXCITATION ANGOISSEE
C’est un fait, l’islandais n’est pas une langue facile à maîtriser. Pas plus qu’à prononcer. Ni même à lire. Mais il y a plus angoissant encore quand on débarque, pour Iceland Aiwaves, dans la très, très charmante petite capitale de la mythique île septentrionale : jeter un oeil, ahuri, au programme du festival. Ajoutez, aux salles officielles et à un line-up déjà gargantuesque, les dizaines de bars, disquaires, magasins divers, petites salles perdues et coins improbables de la ville où se déroule le « off » de l’événement, et vous avez ce qui semble former l’équivalent d’Eurosonic aux Pays-Bas + des Transmusicales à Rennes + de la fête de la musique dans un pays où toute personne normalement constituée de moins de 40 ans semble faire partie d’un groupe. La liste est immense, il y a beaucoup de bon, beaucoup de moins bon et surtout beaucoup, beaucoup d’inconnus -et accéder à certaines petites salles ou bars ou magasins devient impossible si on n’arrive pas une heure avant le concert attendu. La grande excitation quotidienne, quand il s’agit de dessiner son périple de la journée, de prévoir les concerts à la minute près et les aller-retours, sous une pluie battante pas vraiment d’une chaleur tropicale, entre les salles du centre ville, est forcément teintée d’une légère angoisse : celle de louper le plus important, d’avoir fait les mauvais choix. On se laisse donc guider par notre instinct, par la chance, par les réputations déjà grimpantes ou par les bons conseils de quelques camarades avisés.
LA REVELATION : JUNIUS MEYVANT
On a vu, il y a quelques temps, l’un des premiers concerts français de Matthew E. White, dont on admirait (et dont on admire toujours) les chansons tout en soies et velours. Ce concert particulier était, avouons-le, mauvais : nous nous sommes donc jurés de ne plus jamais aller voir Matthew E. White en concert. On a pourtant vu ce qui semble être son plus proche cousin, un cousin nordique et mince et blond, certes, mais un cousin au songwriting aussi soyeux, sinon plus soyeux que le sien, à la soul cuivrée aussi riche et céleste, aux arrangements aussi malins et surprenants, à la fois modernistes et traditionaliste, cascadeurs et enrobants. Il s’appelle Júníus Meyvant, il a un talent fou, il est déjà éclatant, déjà important et on a tellement aimé son premier concert, dans un Harpa Silfurberg plein à craquer pour son jeune héros, qu’on est retourné le voir ailleurs le lendemain, dans un KEX Hotel pas beaucoup moins bondé.
Le plus beau, dans l’histoire ? Meyvant sera l’un des artistes qui se produira au Festival les inRocKs Philips, le 15 novembre devant le rideau de la Cigale. Avant bientôt, sans doute, d’en envahir l’intégralité de la scène : il a déjà la grandeur, on lui promet plus encore.
LA CLASSE AMERICAINE : JOHN GRANT
Ni voyez aucune auto-publicité mal placée, ce sont simplement les hasards qui font parfois bien les choses : l’un des autres grands moments de ces deux premiers jours fut le concert donné par un autre invité du Festival les inRocKs Philips, John Grant. Et l’Américain adoré, que nous avons longuement interviewé il y a quelques semaines, n’a pas fait les choses à moitié : désormais installé en Islande, c’est avec l’orchestre symphonique national que le barbu s’est produit, dans le monumental Harpa Eldborg. Dehors, le vent soufflait, la pluie tombait, le froid s’installait, il faisait sombre. Dedans, il soufflait plus fort encore, transformé en tempête dantesque par la voix ahurissante de l’Américain, changé en ouragan majeur par les envolées sublimes de l’orchestre symphonique présent à ses côtés. Dedans, la chaleur et la lumière envahissait les coeurs à chaque mélodie merveilleuse, à chaque contre-pied fabuleux, à chaque abyssale plongée dans l’électronique, à chaque phrase bouleversante ou drôle ou méchante ou les trois à la fois des textes fantastiques de Grant. Dedans, la pluie ne tombait qu’en couleurs, kaléidoscope formidable : les morceaux de ses trois albums solos, dont le dernier et très fou Grey Tickles, Black Pressure, furent magiques dans le feu de cette très ample et très noble action. Mais sans orchestration démesurée et parfois étouffante, écorchées un peu plus vifs, ces chansons grandioses gagneront sans doute encore en pureté.
L’OVNI : DJ FLUGVÉL OG GEIMSKIP
Qu’était-ce donc que cette étrange chose, dans la magnifique Gamlà Bio, jeudi soir vers 22h30 ? Etions-nous encore tout à fait sur terre ? Qu’était cette créature au charme magnétique, à la beauté de perce-neige, aux histoires zinzins d’escapade interplanétaire, à l’électronique totalement tarée, indescriptible, surprenante, acidulée, psychédélique, pop, effondrée, drôle, inédite, ésotérique ? C’était Dj. Flugvél Og Geimskip (soit « DJ Avions et Vaisseaux spatiaux »), une demoiselle qui commence, avec ses shows lo-fi, DIY et, surtout, tout à fait abracadabrantesques, avec sa musique sans queue ni tête mais vite obsédante par ses arabesques électroniques et vocaux improbables, à conquérir (ensorceler ?) les âmes très largement en dehors de son île, et le mouvement devrait s’accélérer avec un album à venir bientôt. Grimur Atlason, l’un des programmateurs du festival, nous avait promis quelque chose de spécial : ça l’était, c’était même sacrément spécial, comme une Animal Collective solitaire et du futur dont on verrait, en direct, l’éclosion.
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