La création de Moses und Aron de Schönberg, dirigée par Philippe Jordan et mise en scène par Romeo Castellucci, fascine par sa puissance musicale et visuelle.
Tout nous fait signe. L’image, qui emprunte au regard sa perception du réel. Le langage, qui sous sa forme écrite rend lisible le mouvement de la pensée. De cette tension entre ces deux formes signifiantes où s’origine l’élan créateur, Romeo Castellucci a conçu le décor et la mise en scène de Moses und Aron, œuvre inachevée d’Arnold Schönberg disparue des productions d’opéra françaises depuis quarante ans.
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Quel choc pour le public d’entendre, magistralement dirigé par Philippe Jordan, ce joyau de musique dodécaphonique où la rigueur de la composition charrie tant d’échos de musiques du passé. “Pour moi, constate le chef d’orchestre, Schönberg est à la fois un impressionniste et un expressionniste et non un compositeur analytique, froid. Cela se révèle dans son formidable sens des contrastes et des dynamiques.”
Une grande maîtrise de la complexité dodécaphonique
A Dieu qui se révèle à lui dans le buisson ardent et lui demande d’être Son prophète auprès du peuple juif, Moïse répond qu’il lui manque le don de la parole. Il devra donc s’allier avec son frère Aron, fin rhéteur et faiseur de miracles, pour convaincre le peuple d’Israël d’abandonner l’idolâtrie. Le chœur qui l’interprète occupe une place centrale et la maîtrise de la complexité dodécaphonique aura nécessité un an de travail de répétitions.
Une précision et une perfection musicale qui s’accordent à celles de la mise en scène de Romeo Castellucci. Au commencement était le blanc, indistinct, aveuglant : le désert du langage, l’éblouissement de la révélation divine, l’interdit de l’image, les contours tremblants produits par la chaleur forment le premier tableau d’où surgissent Moïse, puis Aron.
L’œil écoute, l’oreille voit
Comme un mirage, le peuple d’Israël assiste aux miracles d’Aron auxquels Romeo Castellucci donne l’apparence d’une technologie de pointe qui balaie des millénaires de progrès pour mettre sur le même plan l’humaine fascination face à ce qui déjoue sa compréhension.
Et puis il y a la plongée dans les tréfonds de l’idolâtrie et le magnétisme, la force brute du taureau qui incarne le Veau d’or et marche avec lenteur au milieu des chanteurs. Alors se produit un autre miracle : l’œil écoute, l’oreille voit et, de cette expérience, on sort émerveillé.
Moses und Aron d’Arnold Schönberg, direction musicale Philippe Jordan, mise en scène Romeo Castellucci, avec Thomas Johannes Mayer, John Graham-Hall, jusqu’au 9 novembre à l’Opéra Bastille, Paris XIIe, operadeparis.fr
http://www.youtube.com/watch?v=F1TP-2yDYp4
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