Dans six histoires courtes, Adrian Tomine dessine un portrait silencieux et mouvant de petites existences contemporaines.
Depuis ses débuts en 1991, Adrian Tomine explore avec une grande subtilité les existences banales de jeunes gens aux relations sociales compliquées. Dans ce recueil de six histoires courtes, ce fin observateur de la société contemporaine met en scène des gens ordinaires installés dans l’âge adulte, mais toujours aussi perplexes devant les méandres de la vie.
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Dans “Hortisculpture”, un jardinier crée une nouvelle forme d’art à partir de végétaux mais est totalement incompris et rejeté. “Amber Sweet” met en scène une jeune femme qui voit sa vie compliquée parce qu’elle est le sosie d’une star du porno. Dans “Allez les Owls !”, deux paumés immatures s’engagent dans une relation bancale et qui ne finit pas du tout comme on pourrait s’y attendre.
Dans le très elliptique “Traduit du japonais”, une jeune Japonaise rentre avec son enfant en Californie où habite son (ex ?) mari. “Tuer et mourir”, probablement l’histoire la plus déchirante que Tomine ait jamais écrite, met en scène une jeune fille bègue qui veut faire du stand-up, sous les regards enthousiaste de sa mère et sceptique de son père. Enfin, dans “Les Intrus”, un soldat s’introduit chaque jour dans son ancien appartement et les choses tournent mal.
Passage du temps
Quelle que soit la gravité des sujets, ici rien n’est jamais appuyé, tout est suggéré, caché dans le dessin d’une précision à la Chris Ware. Le passage du temps, en particulier, est remarquablement signifié, par des petits détails comme un changement de coupe de cheveux, l’apparition d’une ride sur le front.
Sa mise en page, extrêmement étudiée, emmène dans des directions inattendues. Ainsi, dans “Hortisculpture”, la forme du récit – un strip – laisse penser que l’histoire va être humoristique, alors que l’on assiste à un petit drame humain. Dans “Tuer et mourir”, la véritable tragédie se joue en filigrane, derrière les cases rigides d’un strict gaufrier.
Grande empathie
Adrian Tomine est toujours concis, son trait comme ses textes, tout en économie, n’ont jamais rien de superflu. Ses récits ne sont pourtant jamais austères. La personnalité complexe de ses protagonistes, la façon toujours inattendue dont se terminent les histoires – on ne peut pas toujours parler de chute, parfois il s’agit juste d’une parenthèse qui se referme, ou d’une fin ouverte – témoignent de sa grande empathie, et de son sens doux-amer de la poésie. Avec sa lucidité terrible qui le rapproche du maître Yoshihiro Tatsumi – à qui il dédie un récit –, le très abouti Intrus montre un Adrian Tomine au sommet de son art. Anne-Claire Norot
Les Intrus (Cornélius), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Eric Moreau, 120 pages, 23,50 €
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