Qui était Leïlah Mahi, cette femme étrange morte en 1932 et enterrée au Père-Lachaise ? Didier Blonde se lance dans une enquête qui le mène à s’interroger sur ses propres obsessions. Envoûtant.
Auteur discret mais obstiné d’une œuvre singulière, hantée, parfaitement cohérente, Didier Blonde est devenu ce nom que se chuchotent les initiés avec ferveur, ceux qui ont eu la chance de lire ses textes précédents et d’en revenir accros.
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Qu’il enquête sur le destin brisé d’une star du muet (Un amour sans paroles), se penche sur les adresses des personnages de roman (Carnet d’adresses), ou tente de voir le vrai visage de Fantômas (Les Fantômes du muet), Didier Blonde traque les traces du passé et de ses fantômes, fouille ces minces interstices entre réel et fiction, tente de créer des portes, des ponts, entre ces deux mondes, voire d’en révéler la porosité invisible.
Un jour, au Père-Lachaise, il est subjugué par le portrait d’une femme en turban sur une stèle funéraire, accompagné de cette seule inscription : “Leïlah Mahi : 12 août 1932”. Qui est-elle ? C’est le point de départ d’une enquête qui aurait pu ressembler à ses précédentes si le réel, cette fois, ne lui avait pas résisté. Déjà objet de culte pour un certain nombre de fans dans le monde, Leïlah Mahi reste un mystère.
Destin tragique
Un ami voit en elle le double d’une femme qu’il a aimée ; un autre, cinéphile, lui révèle qu’elle fut une actrice au destin tragique, une peintre américaine en fait une série de portraits. Blonde a beau croire un moment avoir retrouvé son adresse parisienne, celle d’un éventuel amant, d’une éventuelle amie, la femme au turban lui échappe.
Contrairement à ses livres précédents, auxquels celui-ci aurait pu ressembler en tous points, Leïlah Mahi 1932 se change peu à peu en émouvant aveu d’échec : on ne peut jamais lutter avec la disparition, il est vain de vouloir ressusciter les morts. Blonde aurait pu consacrer des années, voire sa vie entière, à reconstituer l’existence de cette femme étrange, dans une tentative désespérée de maintenir en vie, à travers elle, ses propres morts : son père décédé, et un autre père de substitution, père littéraire sur le décès duquel s’ouvre ce très beau texte : J.-B. Pontalis, l’éditeur de l’écrivain, mort en 2011.
Geste salutaire
A la fin, Didier Blonde renoncera à s’entêter dans son obsession, comprenant que les morts sont toujours de grands muets, comme tous les acteurs sur lesquels il a écrit. Un geste salutaire pour lui-même, moins pour ses lecteurs, qui s’inquiéteront de savoir ce qu’il écrira après.
Leïlah Mahi 1932 (Gallimard), 128 pages, 15 €
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