Lundi 17 décembre, Etienne Daho s’est risqué seul ou presque sur la scène du Rex Club à Paris, le temps d’un concert privé et de quelques chansons réservées à un public de chanceux forcément conquis d’avance.
« Ouf, les trois premières sont toujours les plus salopes » soupire Etienne Daho à la fin du troisième titre de son concert. Après avoir tenu les dix premières minutes sans encaisser le moindre but, Etienne peut enfin commencer à jouer libéré, à développer son jeu. Car sans être totalement contre-nature, un concert demeure pour lui un exercice périlleux. Après avoir parcouru un grand nombre de scènes, il demeure toujours un gamin pétochard à l’idée de monter sur Scène. Alors, qu’est-ce qui a bien pu le pousser à s’aventurer sur celle du Rex Club avec un piano pour seul accompagnement ? Un peu de masochisme, peut-être. Le grand frisson, sûrement, comme il l’avouera devant un parterre de fans dont les premiers rangs se pressent à moins d’un mètre de lui. L’occasion de repartir à zéro sans la protection d’un groupe, d’affronter le grand vide, comme ce soir de décembre il y a longtemps de cela, où il s’aventura sur la scène des Transmusicales avec comme seul bagage les frêles titres de Mythomane.
Le concert avait commencé vers 21h30, une heure après que les deux files qui attendaient dans le froid du boulevard Poissonnière aient réussi à s’introduire dans cet Eden d’un soir. Le public se masse au bord de la scène sur laquelle a été installé un rideau brillant doré bien kitschounet d’où on s’attend à voir sortir un personnage Lynchien. Devant trônent un piano électrique et un pied de micro bien esseulé.
Christian F. nous rejoint avec son fils Lucas dont ce sera un des tout premiers concerts. Lucas est là pour les tubes et il va être gâté : après les trois premiers titres, « les choses sérieuses commencent » selon Daho lui-même. Saudade démarre, lancé par un pianiste dont le visage évoque un Eric Mulet qui ferait des reportages dans la Silicon Valley plutôt qu’au Sénégal ou à Cuba.
Trop affairé à ne pas faire vaciller le fragile équilibre de l’orchestration dépouillée, Daho n’ose faire participer un public qui n’a et ne peut avoir d’yeux que pour lui. Histoire d’en rajouter un peu dans le casse-gueule, il se jette dans une fragile mise en musique d’un texte de Genet. Mais repousse le moment de se lancer dans un titre trop « émotionnel« . Alors seulement, Daho peut savourer les bénéfices tirés de ce qui représente pour lui une incroyable prise de risques. Tout excité par les frissons que lui procure leur nouvelle orchestration, Daho redécouvre quelques perles de son répertoire laissées sur le bord du chemin : « On remonte dans l’hyper passé » s’amuse-t-il avant de démarrer Epaule Tattoo.
Puis vient la bonne blague du soir. Daho essaie de nous faire croire que la très attendue Dani ne l’accompagnera pas comme la rumeur l’avait annoncé. Il ira finalement la chercher pour un tête à tête sur Comme un boomerang.
La soirée s’éclaire alors d’une présence capable à elle seule de nous faire remonter trente-cinq ans en arrière, dans cet âge d’or de la chanson française où le moindre duo signé Serge Gainsbourg représentait un pas plus important pour l’humanité que celui du premier Américain sur la lune.
Dani s’efface et laisse Daho à sa solitude des Heures hindoues, des Rendez-vous au jardin des plaisirs, de l’Ouverture de Corps et armes, ou de Quand tu m’appelles eden?
Au bout de trois quarts d’heure, le chanteur s’éclipse et revient pour deux titres dont un Brasier brûlant qui aurait été le bienvenu à l’extérieur de la salle. Pour l’ultime rappel, Daho rappelle aussi Dani le temps d’un nouveau Comme un boomerang. Je dois arrêter car nous serions obligés de rejouer les mêmes titres toute la nuit s’excuse Daho. Sans savoir que cela n’aurait pas forcément déplu à l’assistance, Lucas en tête.