L’activiste trans américain Buck Angel s’est fait connaître il y a quelques années dans le milieu du porno gay comme « l’homme avec une chatte » en produisant des films ultra-testostéronés dont il était la vedette. Aujourd’hui rangé des voitures, il filme au plus près l’intimité et la sexualité des trans FtM à travers la série de documentaires « Sexing the transman XXX », dont il vient de présenter le quatrième volet au Porn Film Festival de Berlin. Rencontre au bord d’une tasse de thé, au cœur de la nuit.
Qu’est-ce qui t’as donné envie de ne plus filmer ton propre corps mais celui des autres hommes transsexuels (FtoM) ?
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J’ai démarré cette série de documentaires quand j’ai décidé d’arrêter de tourner des films porno dans lesquels je jouais. J’en avais assez d’être le seul transman à l’écran. Je voulais montrer d’autres transmen et m’adresser aux gens d’une manière plus éducative, et non plus en tant que Buck Angel, l’homme avec une chatte. Je me suis rendu compte que j’étais en train de m’auto-fétichiser, car au départ, mon intention n’avait jamais été de faire du porno à visée revendicative, mais tout simplement du porno. J’ai fini par ressentir le besoin d’enseigner aux gens ce qu’est le corps d’un homme trans, de montrer tous les corps. Je suis désormais célèbre, ma voix compte, c’était donc une opportunité à saisir pour changer le monde.
Avant de passer derrière la caméra, tu as montré à travers tes films porno à quel point cela pouvait être excitant d’être un homme avec un vagin
Avoir des rapports sexuels avec mon vagin, ça a été la chose la plus extraordinaire de toute ma vie d’homme trans! Je me suis demandé pourquoi les gens me disaient qu’il fallait que j’ai un pénis quand j’ai commencé ma transition. J’ai décidé que je serai un homme avec un vagin qui aime le sexe. Et que c’est pour cette raison qu’il fallait que je le documente, de manière à montrer aux gens à quel point c’est génial de se connecter à son corps, même quand on ne l’aime pas. Il y a 28 ans, j’étais une femme et je détestais mon vagin. C’était il y a très longtemps… Cela a quelque chose d’ironique et assez fou d’avoir appris à aimer mon vagin en tant qu’homme. En anglais, on utilise le mot « pussy » pour désigner quelqu’un d’apeuré ou d’intimidé. Mais les vagins ne sont pas faibles, ils sont puissants. Les femmes doivent en être fières.
Aucun des transmen que tu présentes n’a opté pour une phalloplastie. Voulais-tu seulement montrer des trans qui ont gardé leurs organes génitaux féminins ?
Non, au contraire, j’aurais voulu en filmer mais aucun homme trans qui a eu une phalloplastie n’a accepté de montrer son sexe face à la caméra. Ce refus en dit long…
Les corps des hommes trans que tu filmes sont souvent abîmés, ils portent les traces de leur transition, le poids du passé…
Leurs corps porteront toujours ces cicatrices. En tant que réalisateur, enseignant et activiste des droits humains, c’est important pour moi de montrer tous ces corps et cette souffrance. Nous ne pouvons pas avoir le corps que nous souhaiterions avoir. Certains ne peuvent pas se payer d’opération et se sentent horriblement mal d’avoir toujours leurs seins. C’est ridicule que cette opération ne soit pas gratuite. Ceux qui ont d’épaisses cicatrices sont désespérés parce que les chirurgiens n’ont pas pris soin d’eux et se sont fait de l’argent sur le dos de la communauté trans. Mais il y a aujourd’hui de nouveaux médecins aux États-Unis qui sont très bien. Je suis d’ailleurs en train de faire un documentaire sur un chirurgien gay, en Floride, qui aime les transsexuels et fait du très bon travail.
Comment fais-tu pour convaincre les gens de se masturber ou d’avoir des rapports sexuels devant ta caméra, tandis que tu les interviewes ?
Je le fais parce qu’ils m’y autorisent. Les hommes transsexuels m’aiment, me considèrent comme une sorte de père et me font confiance. Ils le font parce qu’ils veulent participer à ma révolution. C’est de cette façon qu’on fait bouger les choses. Et je pense qu’ils se sentent bien quand je les filme, cela ne donne pas la chair de poule. Je les filme avec douceur, je fais de l’humour. Je ne les fais pas se sentir comme des freaks mais comme des hommes. Je pense que c’est la clef.
Combien d’épisodes comptes-tu encore tourner ?
Lorsque j’ai sorti le premier volet, en 2011, ça a été comme une explosion. Bang ! Les gens n’en revenaient pas, parce qu’ils n’avaient encore jamais rien vu de tel. On trouve désormais mes films dans les bibliothèques de nombreuses universités américaines. C’est incroyable ! Les gens s’intéressent désormais aux transmen. Je poursuivrai donc cette série jusqu’au jour où je commencerai à m’ennuyer.
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