Très bonne tenue du festival de Nantes : pas de découverte fracassante, mais une sélection toujours dominée par l’Asie.
Pas de bouleversements notables dans le schéma tricontinental (Afrique, Amérique latine, Asie). L’Amérique du Sud peine à égaler les maousses La Ciénaga et La Libertad et la Chine continue à dominer le cinéma d’auteur extra-occidental.
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Conjugaison d’Emily Tang se situe, pour aller vite, dans la veine de Platform de Jia Zhang-ke. Filmage classique, mais récit touffu, ramifié et éclaté : la vie d’un groupe d’étudiants pékinois fin 1989, après les événements de la place Tiananmen. Froidure hivernale, beuveries, travail en usine, histoires de couples. Beaucoup de non-dits, ambiance morose : blues de l’échec politique, aggravé par l’intrusion de l’économie de marché. Aussi diffus que romantique, avec des chansons de variétés et des clips poétiques dans un récit trivial et réaliste. Une belle épopée intimiste.
Fruits de mer de Zhu Wen, tourné en DV, est de facture plus moderne, abrupte, japonisante. Une espèce de polar glacé, au propre et au figuré, situé dans une station balnéaire envahie par la neige. Une jeune prostituée dépressive s’installe dans un hôtel désert où un poète zombie se suicide. Un flic interroge la jeune femme, lui colle aux basques et finit par la violer. S’ensuit une relation ambiguë, des coups de théâtre brutaux. Se substituant au flic, la caméra traque ce couple improbable qui se fuit et s’attire. Un petit bijou chaotique, rapide, froid, cru et tranchant, au montage et filmage heurtés, où les hiatus psychologiques se traduisent en poursuite, meurtre, fuite. Wam bam !
Pour finir, un film marocain tout à fait admirable, Le Cheval de vent, de Daoud Aoulad-Syad qui, sans atteindre la splendeur dépouillée de son spleenétique Adieu forain, s’affirme comme un maître de la mise en espace et le plus doué des cinéastes maghrébins.
Road-movie, comme Adieu forain, Le Cheval de vent diffuse une mélancolie similaire, par le truchement d’un vieil homme qui se rend en pèlerinage sur la tombe de sa femme, accompagné en side-car par un jeune homme rencontré sur la route. Musique minimaliste et discrète, absence de lyrisme et de folklore, ce qui est rare dans le cinéma arabe. Travellings latéraux à la manière des grands cinéastes de la contemplation et de l’errance. Sens du cadre, du détail qui ne fait pas sens mais entraîne le film vers une abstraction sereine. Le Cheval de vent laisse nos émois tranquilles et se déguste à petites goulées.
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