Il faut du cran, de l’inconscience ou une bonne dose d’infatuation pour sortir un double album uniquement composé de faces B. Chez Suede, le ton fut imposé sans préavis, dès l’instant où le groupe a débarqué en parfait ovni dans une plaine musicale dévastée Carter USM, Ned’s Atomic Dustbin, Thousand Yard Stare, tous ces […]
Il faut du cran, de l’inconscience ou une bonne dose d’infatuation pour sortir un double album uniquement composé de faces B. Chez Suede, le ton fut imposé sans préavis, dès l’instant où le groupe a débarqué en parfait ovni dans une plaine musicale dévastée Carter USM, Ned’s Atomic Dustbin, Thousand Yard Stare, tous ces tue-l’amour pop. Dans ce monde de brutes mornes réapparaissait soudain l’idée de panache, vite parrainée par Morrissey, qui reprenait illico My insatiable one, sublime face B de The Drowners. Après un tel départ, Suede s’imposera un seuil d’acceptabilité rarement, ailleurs, appliqué aux faces B cette corvée de remplissage pour l’artiste, ce pénible bouche-trou pour l’auditeur. Tout ce qui sortira sous le nom Suede devra donc répondre à des critères très stricts : même relégués en arrière-boutique de chansons plus clinquantes, des morceaux comme Killing of a flashboy, Europe is our playground ou Young men seront plus que de simples remplaçants, de vulgaires doublures. Ils répondront au même devoir de sophistication, de grandiloquence, seront exhibés en concert avec la même fierté que les Metal Mickey, les Animal nitrate… Soignés jusque dans les pochettes dont la réalisation a toujours été confiée à Peter Saville, l’ancien inventeur de l’image du label Factory , les singles de Suede s’imposent de rester sexy et précieux jusqu’à la fin de leur dernier morceau. Royaume de l’apparence et de la flamboyance, la face B telle qu’envisagée par Suede peut être collante, précieuse et distendue, taillée pour le slow de l’été (Big time, High rising, These are the sad songs, Duchess) ou glam et affectée, draguant ostentatoirement Bowie et Bolan (Killing of a flashboy, Modern boys, Together, Money). Ne craignant jamais le ridicule, elle s’offre des guitares progressives (This time), des montagnes de drogue (The Living dead), un dub non répertorié (WSD), quelques pleurnicheries au coin d’un piano (Another no one), quelques insignifiances (Jumble sale mums)… Sur la longueur de ce double album test irréfutablement meurtrier et casse-gueule , l’unité des chansons est pourtant miraculeusement maintenue. L’occasion de vérifier qu’aucune atrophie spectaculaire de l’inspiration n’a frappé Suede depuis le départ de son guitariste cramé Bernard Butler. Avant et maintenant, la même frime, la même distinction. Suede le prouve avec allure : le culot paie.
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