Pour entendre Brian Wilson énoncer clairement ce qu’il a sur la patate, il est conseillé d’aller directement en case 11, la dernière de l’album. Sur Happy days, micro-symphonie naïve et dissonante plusieurs fois défaite et refaite depuis 70, il est question du sale temps que Wilson a traversé presque sans répit ces trente dernières années, […]
Pour entendre Brian Wilson énoncer clairement ce qu’il a sur la patate, il est conseillé d’aller directement en case 11, la dernière de l’album. Sur Happy days, micro-symphonie naïve et dissonante plusieurs fois défaite et refaite depuis 70, il est question du sale temps que Wilson a traversé presque sans répit ces trente dernières années, de jours sombres en lendemains incertains, jusqu’à l’éclaircie et le beau fixe éternel qu’est censé apporter ce nouvel album, le premier depuis 88. Auparavant, pour préparer à ce happy-end redoutable de mièvrerie mais, reconnaissons-le, assez touchant, Wilson et son producteur Joe Thomas s’emploieront exclusivement à tresser dans le coeur des fans cette grosse corde sensible, depuis longtemps distendue mais jamais tout à fait rompue, toujours prête à de nouvelles (bonnes) vibrations. Ainsi deux anciennes chansons des Beach Boys, Keep an eye on summer et Let him run wild, datant d’avant les emmerdes, d’avant la grosse dépression, ont été dégelées et invitées à venir rissoler comme au bon vieux temps sur la plage. Une plage cloisonnée, climatisée, entièrement reconstituée en studio digital, une plage sans un grain de sable pouvant enrayer la machine à souvenirs. Voilà tout le mérite, mais également les limites d’Imagination : faute de miracle, on s’en remet aux mirages, à ces petites lueurs dérisoires qui disent qu’un peu de vie tremblote encore à l’horizon. Salement rééduqué il y a dix ans par les crabes du Dr Landy, Brian ne sait plus marcher qu’à reculons et sa façon à lui d’avancer le mène forcément en arrière, tout droit vers un passé révolu. C’est ce passé ces jours heureux qu’il tente aujourd’hui d’atteindre artificiellement. D’où un disque entièrement conjugué au futur antérieur, composé à l’ancienne mais bâti selon les normes modernes. Même les cascades de voix, particulièrement spectaculaires tout au long d’Imagination, ont été assistées par ordinateur, réglées à la tonalité près, sans le moindre risque de dérapage. Imagination est donc le premier vrai disque de l’ère virtuelle : une reconstitution diabolique de ce que furent les Beach Boys jusqu’en 65, pimentée çà et là par les jeux dangereux auxquels Brian Wilson se prêta ensuite quelques bouffées célestes de Pet sounds, un brin des folies orgasmiques de Smile , grande illusion que seule la production mortifiante de Joe Thomas empêche d’être totale.
Christophe Conte
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