“C’est alors que surgit ce “paysan”, avec des solutions absolument innovantes…” Voilà comment Celibidache décrivait l’importance du legs symphonique de Bruckner, appelé à stimuler une nouvelle évolution après Beethoven, et à la même époque que Brahms. Quand il évoquait son compositeur d’élection, le Roumain commençait à s’emporter, à vitupérer contre les “mauvais chefs” qui, la […]
« C’est alors que surgit ce « paysan », avec des solutions absolument innovantes… » Voilà comment Celibidache décrivait l’importance du legs symphonique de Bruckner, appelé à stimuler une nouvelle évolution après Beethoven, et à la même époque que Brahms. Quand il évoquait son compositeur d’élection, le Roumain commençait à s’emporter, à vitupérer contre les « mauvais chefs » qui, la mode aidant, se sont embarqués dans l’aventure sans suffisamment réfléchir. Quand on pense que les plus grands ont navigué à vue sur ce terrain glissant, on prend conscience du caractère redoutable de cette musique, trop souvent associée à une vision de fin du monde, devenue la tarte à la crème de l’interprétation.
Cette Neuvième symphonie est depuis un certain temps une oeuvre culte du répertoire : c’est la dernière du compositeur, celle qu’il a dédiée à Dieu ; elle combine la vision d’un au-delà inquiétant à un état de confiance naïve. Mahler n’est pas loin. Le Scherzo, avec son rythme implacable et ses cuivres infernaux, est un moment terrible d’énergie ténébreuse que ses interprètes jouent habituellement à bride abattue. Rien de tel avec Celibidache. L’auditeur est moins plongé dans un monde apocalyptique que dans un paysage fantastique qui rappelle Schumann. Le dernier mouvement, un immense Adagio, émerge comme un monolithe puissant et unitaire. Pas de cri expressionniste, mais un appel du fond de l’âme qui se mue en transfiguration orchestrale, ce qui sera bientôt la signature de Richard Strauss.
En nous divulguant toute la lignée orchestrale du romantisme, Celibidache fait oeuvre d’historien dans cette seconde partie de son édition, entièrement consacrée à Bruckner. Le testament comporte 12 CD d’où ressort entre autres une limpide Septième. En prime, on peut suivre une partie des répétitions de la Neuvième (traduction dans le livret). La chair de poule vous saisit en entendant en surimpression cette musique d’essence mystique et la voix caverneuse du chef. Et puis, on goûtera à ce type de réflexion savoureuse adressée à ses musiciens : « Stéphane, pourquoi si impressionniste ? » En effet, c’est un comble !
Anton Bruckner, Symphonie n° 9 - Orchestre philharmonique de Munich, dir. Sergiu Celibidache (EMI Classics)
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