A trois jours du lancement de leur nouveau spectacle « La lune tzigane brille plus que le soleil ! », le cirque Romanès a subi de nombreux actes de vandalisme commis par des individus qui n’ont pas encore été identifiés. Peu rassurés, ils ont choisi de répondre par la fête et leur offre culturelle.
Des caravanes, des voitures, un grand tivoli blanc et un modeste chapiteau en bois peint en rouge. Installé depuis fin juin square Parodi, près de la porte Maillot, à Paris, le cirque Romanès se distingue des grands immeubles chics du XVIe arrondissement qui l’entourent. Pourtant, si l’on s’arrête boire un verre dans la caravane de Gilles, le dompteur, on en entendra des histoires sur des personnalités de la haute société parisienne, qui « habitent souvent dans le quartier et préfèrent venir ici que s’enfermer dans un café à Neuilly », assure le circassien à la grande moustache et à l’air bonhomme.
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Mais il est un voisinage qui ne semble pas apprécier la présence des artistes tziganes dans le quartier. Pas encore identifiées, plusieurs personnes se sont introduites à plusieurs reprises dans la petite parcelle réservée au cirque Romanès et ont vandalisé les caravanes (portes défoncées, vitres brisées), percé les canalisations, volé costumes et guitares et même, déplore le fondateur Alexandre Romanès, « mis le feu à notre boîtier Internet ».
« On a entendu beaucoup de vilaines choses sur les tziganes »
« Ces gens-là viennent en pleine nuit ou très tôt le matin », témoigne Délia Romanès, la femme d’Alexandre. Un soir, les artistes sont parvenus à attraper un de ces vandales et ont appelé la police, raconte le patriarche de la communauté :
« On lui a demandé qui il était et il nous a répondu : des gens me paient pour vous nuire. Malheureusement, il a réussi à nous échapper. »
Quant à la police, les Tziganes ne veulent pas y avoir affaire. « En langue tzigane, le mot police est le même que le mot diable », ajoute Alexandre, comme un clin d’oeil. Pas de confusion néanmoins : ils se disent heureux et soulagés de voir que les rondes des policiers du quartier sont plus fréquentes depuis ces incidents. Délia Romanès s’est même décidée à porter plainte contre X.
Si l’on sent bien qu’ils ont leur petite idée, ni Alexandre ni Délia Romanès ne se risquent à désigner les responsables. « On m’a dit qu’un groupe à droite de l’extrême-droite – je ne savais même pas que ça existait – se réunissait régulièrement dans le quartier, allègue timidement Alexandre. « Ils ne font pas ça vers chez nous d’habitude. Mais cette fois-ci, ils sont passés près du cirque. On a entendu beaucoup de vilaines choses sur les Tziganes. »
Parle-t-il du Siel (Souveraineté, Indépendance Et Libertés), un mouvement proche de l’extrême-droite cité par Le Parisien comme organisateur de la « manifestation contre la déferlante migratoire » du 24 septembre ? « Oui, mais je n’en suis pas sûr », admet-il avec précautions.
Un voisinage hostile, mais des soutiens de marque
De son côté, Délia note que le cirque Romanès n’avait jamais subi de tels actes auparavant dans la capitale. « On a été dans des cités dites « chaudes », ça n’est jamais arrivé, raconte-t-elle. Au contraire, les jeunes venaient se joindre à nous quand on faisait un feu de camp. Ils nous disaient : on va vous protéger. » Il est vrai qu’une partie du voisinage semble désapprouver leur présence ici : « On nous a demandé plusieurs fois quand on partait, alors qu’on vient juste d’arriver ! », soupire Délia, au bord des larmes. En bon poète, son mari conte même l’histoire à la fois amusante et sidérante d’une voisine venue le voir pour lui ordonner de partir car « il n’y a plus de chats dans le quartier » :
« Je lui ai dit : Ah bon, on est responsables de la disparition des chats ? Elle me répond : « Oui, on connaît les Tziganes, on sait qu’ils mangent les chats ». »
Les Romanès sont unanimes : ils ont tous été témoins de telles scènes, peuvent tous raconter de telles anecdotes. D’ailleurs, selon Le Parisien, deux associations du XVIe arrondissement multiplient les recours contre l’implantation du cirque Parodi. Le couple s’accorde sur un point : tout ceci vient du climat hostile aux minorités qui règne en France depuis quelques temps. Si l’on est encore loin de la Roumanie qu’a fuie Délia à 15 ans alors que Ceaușescu était au pouvoir et où les Tziganes sont aujourd’hui encore forcés à se sédentariser, il souffle bien en France un vent de xénophobie, déclarent-il tous deux. Qui rappelle d’ailleurs à Alexandre les mois qui ont suivi le discours de Grenoble tenu par l’ancien président Nicolas Sarkozy le 30 juillet 2010, après quoi « nous n’arrivions plus à prendre un taxi et on ne voulait pas servir ma femme quand elle allait à la pharmacie. »
En même temps, le cirque tzigane a rallié de nombreuses personnes à sa cause : des artistes, des intellectuels et des hommes politiques comme Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, ou Olivier Poivre d’Arvor, ancien directeur de France Culture, sont venus les voir et les élus de la mairie de Paris les soutiennent. Une pétition qui revendique plus de 1 500 signatures a même été publiée sur Mediapart. Elle rassemble plusieurs personnalités des médias et du monde du spectacle (dont Frédéric Bonnaud, directeur de la rédaction des Inrocks, ndlr). Par ailleurs, Alexandre Romanès a annoncé l’organisation d’une soirée de soutien qui aura lieu prochainement sous le chapiteau du cirque (la date n’est pas encore fixée).
« A la violence, nous répondons par la culture et le partage »
Ne pas s’y tromper, la véritable réponse à ces actes de vandalisme, c’est le nouveau spectacle des Romanès, dont la première est prévue pour samedi prochain. Aujourd’hui, même le choix de son titre poétique, « La lune tzigane brille plus que le soleil ! », fait peur à Délia :
« Ca aussi, ça va les emmerder, mais ce titre, je l’ai trouvé depuis quatre mois. La lune, c’est plus mystérieux, plus poétique que le soleil. Et puis les Tziganes sont plus à l’aise à la nuit tombée, quand on joue de la musique et qu’on fait la fête. En fait, notre lune, c’est notre culture, mais si j’avais mis « culture » à la place de « lune », c’a aurait été trop politique. »
Ce nouveau spectacle, « on veut que ce soit une grande fête », s’exclame Délia, affichant un visage plus lumineux. « Cette année, on va essayer de bien mélanger les danses tziganes avec nos numéros, explique Alexandre Romanès, enthousiaste. J’ai quelques interventions avec des chats, ça va être poétique. J’ai cinq filles et je vais profiter de ça pour en faire quelque chose de particulièrement joli. Et on a de très beaux nouveaux numéros. » On n’en saura pas beaucoup plus sur ce nouveau spectacle, le fondateur veut garder une part de mystère.
Le couple à la tête de la famille Romanès a également fondé le Tchiriclif, le « Centre international artistique tzigane et gitan ». Depuis un an et demi, cet « oiseau », en langue tzigane, promeut la culture de ce peuple :
« L’idée, développe Alexandre Romanès, c’est de prendre des spectacles qui sont dans les campements tziganes que personne ne voit jamais et de les montrer. »
Pour le moment, tous ces spectacles sont accueillis sous le chapiteau de 400 places des Romanès, mais l’ambition des fondateurs est d’investir dans un autre chapiteau afin de rendre Tchriclif plus itinérant.
Le cirque Romanès lance un centre artistique… par BFMTV
En véritable attachée de presse, Délia insiste aussi sur les autres événements qui auront lieu prochainement au cirque Romanès : un festival de culture juive le 5 et 6 décembre, une soirée flamenco le 11 décembre et, surtout, le grand réveillon tzigane du 31 décembre, « qui durera jusqu’à l’aube », assure-t-elle. Et de conclure : « Et tout le monde y est convié, des gens du XVIe arrondissement et de partout. A la violence, nous répondons par la culture et le partage. »
« La lune tzigane brille plus que le soleil ! », à partir du samedi 17 octobre 2015, Tarifs : 20€ pour adultes, 15€ pour -25 ans, 10€ pour 3-12 ans, Square Parodi, Bd de l’Amiral-Bruix 75016 Paris.
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