Bâillonné depuis sept ans, XTC revient avec un album qui ne sent pas le retour d’enfer. Plutôt le paradis pop. C’est dans ces moments-là qu’on ne regrette pas d’avoir signé un pacte à vie avec XTC. Déflorer un nouveau recueil de chansons en provenance de Swindon a toujours fait partie des plaisirs majuscules, de ces […]
Bâillonné depuis sept ans, XTC revient avec un album qui ne sent pas le retour d’enfer. Plutôt le paradis pop.
C’est dans ces moments-là qu’on ne regrette pas d’avoir signé un pacte à vie avec XTC. Déflorer un nouveau recueil de chansons en provenance de Swindon a toujours fait partie des plaisirs majuscules, de ces trop rares occasions qu’offre depuis vingt ans la musique pop d’élever son petit cirque au rang d’une spectaculaire parade plurisensorielle. Apple Venus, premier volet acoustique et orchestral d’une double session de rattrapage prévue en 99, ne fait pas exception à cette règle. Pourtant, tout au long de ces sept longues (interminables, insupportables !) années de silence absolu, on a eu le temps de l’imaginer mille et une fois, cet album du retour de l’enfer, parfois sous des coutures pas très engageantes, parfois en songeant au pire : que l’extinction des feux proclamée depuis 92 soit définitive et que ce onzième album ne soit retardé jusqu’à la fin des temps. L’avoir entre les mains tient donc déjà du miracle, mais avant de nous le dévoiler, histoire de ménager nos vieux coeurs, Andy Partridge a disposé à l’entrée du disque comme une espèce de couloir instrumental franchement déroutant, juste éclairé par des loupiotes de violons clignotantes. On pénètre donc dans cet album à tâtons, aussitôt surpris par les remous de River of orchids (hymne écolo de Partridge contre l’automobile, ce type est décidément épatant) et sa construction empirique, totalement libre dans son cheminement, où les voix s’amusent à serpenter entre d’épaisses et coupantes haies de cuivres et de cordes. C’est le premier morceau de bravoure de l’album qui en compte au moins cinq, entrelacés avec de plus légères récréations pop (I’d like that, Frivolous tonight) et un bel aparté guitare-voix (Knights in shining karma). De cette chaîne ininterrompue de sommets, Easter theatre est sans conteste le point culminant : une exubérante grimpette sur le toit du monde avec vue panoramique sur la plage des Beach Boys, plus haute marche jamais atteinte par un Partridge très en jambes et très en voix. Les vingt secondes de béatitude à la fin de Your dictionary, pourtant le titre le plus cruel et noir de l’album, donnent également un aperçu saisissant de la hauteur des débats. A côté, le petit coucou en bois vert confectionné par Moulding (Fruit nut) ne tient pas vraiment la rampe. Ce n’est pas notre genre de tresser des couronnes aux batteurs, mais celui embauché pour battre ces mesures élastiques est un pur acrobate. Avec ses mailloches qui soulignent délicatement au lieu d’appuyer comme des sourds sur les temps, il transfigure la trame de titres qui auraient pu virer au décoratif Greenman, notamment, avec ses airs de cérémonie aborigène , tandis que sur d’autres il est un admirable faiseur de silence. Enfin, le triptyque qui clôt Apple Venus ressemble à un concours de beauté, remporté par le romanesque et épique Harvest festival poignant comme du John Ford , tandis qu’une trompette devise à la coule avec un clavecin sur le long final de The Last balloon, dernier lâcher de couleurs pour signaler que la parade est terminée. Heureusement, on ne devra pas attendre sept ans pour la revoir défiler sous nos fenêtres.
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