Ayant connu la techno avant le rock, ces Gallois font danser la vieille baderne psyché avec sourire et bave aux lèvres. Pour avoir passé trop de temps près de Radiator, l’enchanteur deuxième album de Super Furry Animals, on avait failli oublier les raisons pour lesquelles l’irréprochable discographie de ce groupe n’a jamais suscité chez certains […]
Ayant connu la techno avant le rock, ces Gallois font danser la vieille baderne psyché avec sourire et bave aux lèvres.
Pour avoir passé trop de temps près de Radiator, l’enchanteur deuxième album de Super Furry Animals, on avait failli oublier les raisons pour lesquelles l’irréprochable discographie de ce groupe n’a jamais suscité chez certains confrères qu’un enthousiasme poli, voire vaguement compassé. Indécrottables culs-terreux, zozos patentés, néorégionalistes farouches et mondialistes forcenés, il faut bien avouer que les sons et façons de cet orchestre sans visage, affublé qui plus est d’un diminutif pour le moins suspect un vrai nom de chiottes, ça, Super Furry Animals , sentaient alors moins le soufre que la terre grasse qui l’avait vu naître, quelque part au pays de Galles.
Pour simplifier, on pourrait dire que jusqu’ici Super Furry Animals, c’était un peu le coeur des Beatles et le cerveau des Residents dans le corps de Spinal Tap, avec beaucoup de poils autour : le parfait gag de fin de soirée, du genre à rabibocher instantanément les filles avec leurs manteaux et à vous fâcher avec ce qu’il vous reste de copains. En baptisant son nouvel album Guerrilla, Super Furry Animals tente donc aujourd’hui le tout pour le tout, jumelle naïvement Cardiff et Chiapas, comme si flatter le goût des unes pour l’uniforme et celui des autres pour l’odeur de la poudre aux yeux ? pouvait enfin garantir à sa démarche assez de fond pour endiguer le flot débordant de sa créativité. A moins que Gruff Rhys et ses compagnons n’aient simplement trouvé là un bon moyen de nous rappeler qu’ils étaient loin d’avoir brûlé toutes leurs cartouches ? Hypothèse que l’on se verra confirmer en suivant le stupéfiant octopus de la pochette le long des quatorze plages de ce disque magique jusqu’aux allées secrètes de son jardin de sable (The Turning tide, Keep the cosmic trigger happy), bordées de ces créatures luminescentes que l’on ne peut espérer croiser qu’à bord d’un sous-marin jaune, évidemment.
Surprise : les nouvelles chansons de Super Furry Animals sentent le sel. Normal, c’est encore l’été : aux disques des grands espaces (Mercury Rev, Flaming Lips) se sont substitués ceux des grands fonds, les scies musicales ont fait place aux poissons-scies (l’envoûtant dub aquatique de Some things come from nothing), la pedal-steel au steel-band sur le caribéen Northern lites, single aussi improbable qu’irrésistible. Mais la grande nouveauté de cet album est ailleurs, dans la capacité de plus en plus étonnante qu’a ce groupe mutant à jouer du rock comme de la techno, en boucles martiales (Do or die) comme en multicouches (Night vision), puis à faire exactement l’inverse avec une désarmante facilité (The Door to this house remains open). De là à jurer que l’on a entrevu le futur de la pop sous le sabot d’une brebis galloise…