Prise de passion pour le jazz, la techno de Carl Craig se dépêtre du piège de la virtuosité et fréquente l’ahurissant. Dans le milieu de la techno, plutôt hédoniste et porté vers l’éphémère, la démarche de Carl Craig ne passe pas inaperçue. Depuis ses débuts à Detroit sous l’influence d’un maître comme Derrick May […]
Prise de passion pour le jazz, la techno de Carl Craig se dépêtre du piège de la virtuosité et fréquente l’ahurissant.
Dans le milieu de la techno, plutôt hédoniste et porté vers l’éphémère, la démarche de Carl Craig ne passe pas inaperçue. Depuis ses débuts à Detroit sous l’influence d’un maître comme Derrick May un joug dont il a su vite se défaire , le jeune prodige n’a eu de cesse de s’approprier le champ d’expérimentation, entamant un parcours personnel coupé des impératifs commerciaux. Un univers cependant toujours accessible : qu’il invente la house à tiroirs ou teinte la techno d’une mélancolie durable, ses machines se sont liées d’amitié avec une beauté naturelle, entrevue ailleurs seulement par bribes. Après More songs about food and revolutionary art, bilan où il avait offert le meilleur de lui-même, on savait Carl Craig taraudé par la fusion de la technologie et de l’organique, louchant de plus en plus sur le jazz. En 1992, sous le nom d’Innerzone Orchestra, il avait déjà établi un pont entre les genres, avec Bug in the bass bin, exemple de swing mutant, très vite adopté à cause de sa complexité rythmique par la jungle anglaise. Après avoir tourné en formation d’un autre type les machines encadrées par des musiciens plus classiques et pavé pour d’autres le chemin du live, Carl Craig prend le risque d’une confrontation entre les théories ses idées ambitieuses et la pratique pour un résultat en équilibre entre la confirmation et la déception. Sérieux, appliqué, mis en mouvement par la soif de ne pas se répéter, il réalise un album difficile à appréhender. Se voulant à la fois une version moderne de Blakula héros d’un film blaxploitation mettant en scène un Dracula noir et un effort abouti pour apprivoiser l’acoustique, Programmed est plus que cela. Car échappant à toute grille de lecture préétablie, cet album n’est pas seulement un projet de jazz électronique, Carl Craig prenant le parti de surprendre jusqu’au bout. Ainsi, avec une échappée purement synthétique, le magnifique Architecture sur lequel on ne s’étonnera pas de trouver un autre penseur de la techno, Richie Hawtin , il contourne le cahier des charges ; ailleurs, il se permet le simple bonheur d’un standard soul (People make the world go round) ou l’audace d’un hip-hop hypnotique le réussi The Beginning of the end. Sans doute des moyens de se préserver d’un affrontement direct avec ses accompagnateurs, laissés peut-être trop libres. Car c’est surtout lui qui manque de se faire vampiriser : certains titres s’embourbent dans un jazz-rock pénible et kilométrique l’épuisant Basic math, qui voudrait faire croire que virtuosité = inspiration. Pourtant, ailleurs, on assistera à pas mal de miracles (Galaxy, Eruption) et on applaudira ces paris gonflés : la techno de Blakula ou At Les, relecture d’un propre standard de Carl Craig. Si celui-ci manque, par moments, de perdre son identité, l’aventure de Programmed méritait indéniablement d’être tentée. Et cachés sous ses abords de leçon de musique, ses trésors s’offriront aux plus méritants.
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