Le 22 janvier à Paris, la soirée Sonic Mook Experiment voulait nous présenter le futur du rock’n’roll. Ca n’a pas été le cas mais le public a pu assister aux concerts de trois de ses plus furieux rejetons : Steak From Delta, The Martini Henry Rifles et The Eighties Matchbox B-Line Disaster.
Initiées par l’illustre Sean McLusky, promoteur de soirées clubbing alternatives, les soirées Sonic Mook Experiment ont débuté en 1997 à Londres avec l’idée de briser l’hégémonie de la musique électronique dans les clubs. L’homme s’était fait connaître aux débuts des années 80 en tenant la batterie de Jo Boxers, un groupe néo-soul british adepte des casquettes et des houpettes !
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Son concept de soirée, alternant DJs sets et concerts furibards, fera vite de Sonic Mook Experiment l’une des soirées les plus hype de la capitale anglaise, attirant une foule bigarrée et hautement solvable, peuplée de punks, babas, gothiques et tout ce que le rock compte de modes vestimentaires pour bobos en goguette.
Mais le vrai talent de Sean McLusky est celui d’avoir invité à ses soirées quelques groupes, au talent inversement proportionnel à leur discographie. Quelques veinards ont pu ainsi voir sur scène les Liars, Electrelane, A.R.E. Weapons, Yeah Yeah Yeahs et d’autres bien avant tout le monde.
Un flair incroyable et une foi dans la musique qu’il aime ? le rock sale, aventureux, transgenre – lui ont ainsi permis d’exporter ses soirées à Paris et également de sortir deux compilations jubilatoires, Sonic Mook Experiment, future rock’n’roll vol. 1 & 2.
Ce soir, pour cette nouvelle édition parisienne, le public était venu en masse au Nouveau Casino pour assister au premier concert parisien des fous furieux anglais de Eighties Matchbox B-Line Disaster, auteurs en ce début d’année d’un album à haute teneur en adrénaline, l’expéditif Hörse of the Dög.
En première partie, les agitateurs parisiens de Steak From Delta donnent déjà les premiers frissons de la soirée, dans son versant expérimental. Le rock n’est chez eux qu’un vague souvenir, des bribes de sons et d’attitude qu’ils casent au détours de leurs improvisations libertaires.
Free jazz, no wave et hardcore s’y donnent la main, Zappa et Beefheart ne sont pas très loin derrière et l’ensemble, furieusement bordélique, met la soirée sur de très bons rails.
En attendant la deuxième tornade de la soirée, The Martini Henry Rifles, les enceintes passablement éreintées du Nouveau Casino nous ramènent doucement vers le rock et ses excroissances, en commençant par ESG ou The Fall et allant jusqu’au Liars et d’obscurs Nuggets de garage-bands français. Le public, scotché sur les vidéos de Mick Jagger ou Jimi Hendrix qui passent sur scène, n’a pas l’impression de vivre une soirée en club. Qu’importe.
Originaire de Cardiff, The Martini Henry Rifles donne dans le tabassage en règle. Binaire, ultra speedé, son hardcore-punk teinté de garage ne donne pas dans la finesse mais fait diablement son office. D’un coté de la scène, Cez, guitariste affûté, porte un t-shirt Pussy Galore, de l’autre, Christopher, chanteur et accessoirement sosie de Thurston Moore (Sonic Youth), en possède un à l’effigie des Tortues Ninjas. On ira donc chercher le futur du rock’n’roll ailleurs.
Il faudra attendre une longue heure avant de voir débarquer sur scène The Eighties Matchbox B-Line Disaster, heure mise à profit pour traîner aux alentours du bar et jauger la hype qui entoure ces Anglais.
En débarquant sur scène, costumes noirs et tronche d’enterrement à la clef, on se demande si il n’y a pas un malentendu, une erreur marketing de haut niveau (ou une idée géniale ?). Sur disque déjà, la violence du groupe faisait peur, vaguement remise en question par quelques riffs psychobilly accrocheurs et pleinement dans l’air du temps.
Mais durant cette petite heure de concert, on aura successivement l’impression d’assister à un concert des Cramps, des Sisters of Mercy, de Slayer, voire des ignobles Cradles Of Filth (sans les odieux synthés) : un condensé de rock extrême, visuellement et musicalement, parfaitement assumé par un groupe qui n’a en définitive pas grand chose à voir avec le revival rock actuel.
La prestation, rehaussée par un son d’une qualité rare, passera en revue l’ensemble de leur premier album Hörse of the Dög et lèvera le voile sur quelques inédits de haute volée. Le public, venu pour se faire peur, en aura pour son argent.
Guy McKnight, chanteur et armoire à glace, est un performer hors-pair, malsain, violent, le genre de type que l’on évite dans la rue. Les autres membres du groupe ne sont pas en reste. Pas de chiqué (ou si peu).
Au fil des morceaux, quelques spectateurs quittent les premiers rangs, mis à mal par le déferlement sonique que le groupe s’obstine à défendre. Les autres font front, pogotent énergiquement, le sourire au lèvres. Certains restent bouche bée, se demandant bien pourquoi on ne les a pas prévenus avant que le rock’n’roll était encore en vie. Une grande claque assurément.
A la fin du concert, on rejoint rapidement la sortie, heureux de retrouver l’air frais de la ville et le bruit des voitures. Désolé, on n’est pas resté pour tester le clubbing rock’n’roll ou voir son hypothétique futur. On l’a vu en vie et c’est déjà beaucoup.
{"type":"Banniere-Basse"}