Notre reporter au Midem 2003, qui bat son plein jusqu’au 23 janvier, a ouvert de grands yeux et laissé trainé ses oreilles. Récit de Cannes où l’on en apprend de belles sur Morrissey, Mint Source et Ladytron.
Le Midem a des allures d’Eurovision. La grande foire rassemble des pros qui aiment sensiblement la même chose que nous, le rythme, les bonnes mélodies et les textes qui tuent, sauf que l’aspect juridique et économique de la musique est ici primordial. Aucune grande gueule du cirque international des médias et du music business n’admettrait qu’elle vient vendre de la musique stéréotypée, staracadémique à outrance, popstarisée jusqu’à l’ultime souffrance. Tout le monde s’entend car tous les participants semblent avoir le sens des affaires.
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Le Midem, c’est donc pour résumer un extended mix de « head of programs » des radios et télés, de « chief-executives » de fabriques de packaging, de « chairmen » de maisons de disques, beaucoup de passionnés par leur métier, beaucoup d’Anglo-saxons et assez de wannabe pour remplir toutes les marches du Palais des festivals. On rencontre aussi des groupes totalement surfaits, de belles nanas en sapes moulantes, des managers caricaturaux mais sympas à l’extrême et heureusement aussi, une majorité d’artisans de l’ombre dévoués (pas toujours riches) venus distribuer cartes de visites et autres flyers et CD samplers de productions de qualité.
L’image des artistes présents au Midem venant des quatre coins du monde pour capter l’attention de quelques officiers de l’armée de directeurs artistiques se promenant, badge bringuebalant sur torse gonflé, et sacoche aux couleurs de leur employeur bien en évidence est vraie. Ici, un grand blond au physique de basketteur danois, martyrisant sa guitare de son stress mal contenu, s’est posté dans l’allée principale du rez-de-chaussée du Palais des festivals, afin de se faire un prénom (un bon début, il possède déjà presque un nom, Drew Broadrick). Là, un quintet de fillettes d’1 mètre 55 chacune venue de Chicago « to spice up your life » dit leur manager, mais le créneau est largement occupé pense-t-on à Cannes.
La BPI (British Publishing Institution) organisait lundi soir dans la salle de réception du Martinez un special « nouveaux talents » brit. Apres un show sans saveur de Minuteman, protégés de Noel et Liam d’Oasis sur leur label Big Brother, les membres du tout nouveau label indépendant londonien Mint Source étaient présents dans le carré VIP du Martinez Ballroom, discutant facilement de leur parfaite compilation inaugurale A Hint of Mint. Un mélange de pop sucrée, de soul-reggae inspiré et d’électro nacrée, d’instrumentaux solidement influencés par l’asianwave bollywoodienne et les hymnes dancefloor des années 80 à la 808 State, ou 90 à la Prodigy.
Mint Source fut crée par l’ingénieur du son Pascale Gievetto, une Française de Londres responsable il y a plus d’une dizaine d’années, entre autres, de certaines orientations soniques et épiques données à Loveless, l’album culte de ses potes et voisins de My Bloody Valentine. Pascale fut aussi de l’aventure du début de Björk solo, sans oublier ses collaborations derrière la console avec le duo Gainsbourg-Birkin ainsi qu’Elvis Costello et d’autres moins avouables (Dave Stewart).
Mint Source a la particularité de vouloir accompagner les artistes le plus longtemps possible sans leur faire signer de contrats à rallonge. Le label offre aussi l’énorme avantage de reverser cinquante pour cent des royalties directement aux artistes. L’avocat anglais Anthony Hall, un ex de Chrysalis Records, va certainement convaincre plus d’un supporter de l’indépendance à tout crin, dans le milieu du rock, de rejoindre le label qu’il dirige depuis trois mois avec Pascale.
Mais l’objectif de Mint Source reste bel et bien l’application d’un modèle viable économiquement. Le label anglais a entamé le mois dernier des discussions avec Morrissey. Mais si les conditions pour accueillir le huitième album du Mancunien (Irish Blood, English Heart) semblaient idéales, la rumeur d’il y a six mois de la signature de Morrissey sur le label Sanctuary Records a finalement été confirmée au stand du Midem de la maison de disques anglaise.
Mint Source a édité un CD compilation enfermant de véritables perles de onze artistes venant de Jamaïque, Londres, d’Italie ou de Nottingham, un avant-goût séduisant de la dizaine d’albums qui se préparent à sortir (le premier sera le premier LP d’un génie de 22 ans Jim Connelly et de son groupe The Last Fast One).
Dommage, si la compilation de la BPI, distribuée aux visiteurs contient un titre d’une des têtes d’affiche du label Heavy Deviance, Mint Source n’est pas représenté sur scène ce soir pour des raisons techniques.
En revanche, un des buzz les plus forts de ces derniers mois sur la scène électro anglaise est David Holmes. Ce soir, le DJ joue dans une configuration originale. Ce dieu des platines est un choix élémentaire en cette période de transition en matiere d’électronique. C’est un grand amateur de crossover. Son amour des sons synthétiques et des instruments roots s’est traduit par un concert de sa formation Free Expression, avec laquelle il vient de soortir l’excellent album David Holmes presents the Free Association. Le groupe composé d’un rasta de Los Angeles survitaminé et de la réplique d’une Belinda Carlisle période brushing et vêtement flashy à GO GO, a allumé un incendie sans précédent dans un Martinez pourtant super sécurisé.
Cette quarantaine de minutes de musique intense rappelle le Big Audio Dynamite de Mick Jones, voire le meilleur des groupes fusion-reggae-funk-hip-hop du début des années 90. En conclusion, les 15 minutes d’alarme hurlante déclenchée accidentellement feront le lien avec les très bon Ladytron.
Le son kraftwerkien de ces quatre musiciens de Liverpool nous replonge dans l’ambiance de ces booms enragées, où il n’était pas rare de s’émouvoir sur le trémoussement d’une jolie amie sur l’Electricity d’OMD. Ladytron n’a pas joué seulement le rôle d’une « lady-retron », travaillant la scène avec juste ce qu’il faut d’une chaleur, toute moderne, dans le déplacement chorégraphique.
Calculateur, le duo féminin du devant de scène sait faire naître des vagues d’émotions progressives dans le public, comme dans une sorte de rave gothique et hypnotique, où la techno aurait été remplacée peu à peu par une fontaine d’electronica délicieusement acide.
Pour le décorum, BPI a sorti le grand jeu’ de lumières, se reflétant sur les vêtements de Mira la Hongroise et Helena l’Ecossaise, parfaites poupées habillées de noir et noires de maquillages. On retiendra l’interprétation épique de leur single Playgirl, avec leurs voix ensevelies dans les stridences des vagues de synthés et les beats de Reuben et Daniel. Pour le moment Ladytron est l’une des seules réelles sensations internationales du Midem cru 2003.
Si les Francais très présents sur la scène électronique du salon cherchent surtout à séduire des distributeurs pour le marché international, le hip-hop tricolore a la cote. Preuve avec l’ineffable Lady Laistee, venue draguer sur le terrain américain avec visiblement beaucoup d’aisance en jouant dans la soirée Urban de lundi soir aux côtés de Wyclef Jean, l’homme de la situation quand vous cherchez un animateur de grands évènements. L’homme n’est-il pas connu et respecté de tout le show-biz pour ses interventions plutôt drôles lors des MTV Video Music Awards il y a deux ans ? L’énergique Anthony Kavanagh le sachant à Cannes a vite pris la fuite des fois que Wyclef viendrait lui réclamer des royalties.
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