Il en va des rentrées discographiques comme des rentrées littéraires : peu d’élus et tant de laissés-pour-compte se morfondant sur la touche, les pouces douloureux à force d’être rongés, attendant que des baudruches plus “tendances” se dégonflent. Hormis quelques rares tours de piste, Stephen Duffy arpente depuis toujours les bas-côtés de la gloire et connaît […]
Il en va des rentrées discographiques comme des rentrées littéraires : peu d’élus et tant de laissés-pour-compte se morfondant sur la touche, les pouces douloureux à force d’être rongés, attendant que des baudruches plus « tendances » se dégonflent. Hormis quelques rares tours de piste, Stephen Duffy arpente depuis toujours les bas-côtés de la gloire et connaît désormais les vertus de l’effacement. Depuis son dernier album solo (le brillant I love my friends), il a trouvé refuge chez Cooking Vinyl, providentiel asile de XTC, They Might Be Giants, Wedding Present et autres parias pop. Aujourd’hui, revenu de diverses désillusions et débarrassé de ses prétentions à devenir une star, Duffy ressort du placard et dépoussière le mythique Lilac Time, groupe formé avec son frère Neil au milieu des années 80 et dissous la décennie suivante. D’un point de vue strictement artistique (laissons de côté les considérations financières ou honorifiques), l’idée se révèle excellente. Car comme de juste, le temps n’aura pas plus de prise sur ce Looking for a day in the night qu’il n’en eut sur les précédents albums de Lilac Time, tous ou presque classés au panthéon intime. Enregistrant sur un 12-pistes, dans un garage perdu au milieu de la campagne anglaise, Stephen Duffy et les siens mènent tranquillement leur petit bonhomme de chemin, un chemin qu’ils pratiquent par les fossés et les sous-bois, laissant à d’autres les ornières creusées par les parangons de la pop routinière. Doté d’une main verte, Stephen Duffy entreprend des greffes miraculeuses et repique ses mélodies fleuries dans l’aride terroir folk. On soupçonne son frangin, responsable de l’instrumentation, d’avoir pas mal écouté de country ces derniers temps pour abuser ainsi d’une pedal-steel envoûtante (Back in the car park), pour faire feuler de telle sorte les cordes d’une guitare en bois dur, sur laquelle il plaque les accords d’un Dylan bizarrement anglophile (The Nursery walls). Seulement troublée par les cris des oiseaux de nuit et les sabots des chevaux de passage, cette musique de terroir ignore l’agitation du monde, mais emplie de bruissements et de murmures, se repaît des songes et des tourments intimes d’un Stephen Duffy très habile au petit jeu des confidences. L’album le plus maîtrisé d’un Lilac Time étonnant de fraîcheur.