Il faudra s’y habituer : loin des fulgurances de Clash, Joe Strummer chantonne, pépère et sans reproches. Pogue au pair, producteur et acteur dilettante, le vieux Joe a le profil d’un préretraité qui ne sort le nez de sa tanière que pour signaler que le punk Strummer n’est pas tout à fait mort et qu’il […]
Il faudra s’y habituer : loin des fulgurances de Clash, Joe Strummer chantonne, pépère et sans reproches.
Pogue au pair, producteur et acteur dilettante, le vieux Joe a le profil d’un préretraité qui ne sort le nez de sa tanière que pour signaler que le punk Strummer n’est pas tout à fait mort et qu’il bouge même encore. Depuis la dissolution de Clash en 85, il s’est fendu de deux recueils de chansons pas timides non, mais juste un peu mollassonnes. Le premier que s’étaient arraché les fans de Clash avant de s’empresser de le cacher sous la pile ne laisse aucune trace dans la mémoire collective, à peine une démangeaison à la place du portefeuille. Rock art and the X-ray style est un volet à peine plus énervé que l’effort précédent. Au regard de la courte mais fulgurante carrière du Clash, de l’oeuvre monumentale et souvent visionnaire qu’il laisse derrière lui, c’est un manifeste qui ne manque pas de convictions. Mais il peine dans les montées et freine des deux pieds dans les descentes : ces dix chansons ont des cailloux dans les poches. Joe Strummer est l’artiste qui a habillé le langage de la révolte et articulé celui de l’attitude : il fut à la fois icône et commissaire politique. Inspiré par les mythes du rock, du cinéma américain et par les idiomes alors parfaitement ignorés du reggae puis du hip-hop, il fut dans la foulée non pas l’homme météo, mais celui qui annonce le temps qu’il va faire. Joe Strummer dispose d’une panoplie de sons et d’un catalogue d’images dans lesquels il puise ses jokers : reggae métallique, flamenco spaghetti, funk de fondeur et ballades mariachis figuraient déjà dans London calling, Sandinista, Combat rock ou Cut the crap. Références au passé clashien et citations de légendes (Jambalaya on the bayou pour Hank Williams, Aï, aï, aï pour les Yardbirds, riffs de Keith Richard, etc.) sont intégrées dans des chansons qui, à l’instar de Tony Adams, parfaite synthèse de Radio Clash et de Guns of Brixton, indiquent des dates de péremption dépassées. Le génie du Clash résidait ce fut le cas pour les Beatles et pour les Smiths dans la fructueuse association (dans l’affrontement) extraordinaire de deux talents complémentaires : le duo Joe Strummer-Mick Jones séparé, l’état de grâce s’est impitoyablement dissipé… Quoi de neuf donc chez Joe Strummer ? Si on fait exception de touches de pedal-steel empruntées à King Sunny Ade, le Joe Strummer nouveau se décline dans un infini hélas parfaitement défini. Les dix chansons proposées sur le programme ne résistent pas aux rayons X : elles sont mises à nu, transparentes malgré le décorum et le camouflage. Elles sont de charmantes folk-songs aux mélodies linéaires et familières, des poésies « beat » glanées non pas lors de voyages récents mais au cours de péripéties anciennes. A l’écoute de Rock art… , c’est curieusement le Clandestino de Manu Chao qui vient à l’esprit : l’adage qui dit que l’élève dépasse parfois son maître trouve là une cruelle dimension. On aurait souhaité que celui qui incarna mieux que quiconque une foi indomptable dans le langage émancipateur et relativement neuf du rock’n’roll jouisse d’une imagination à la hauteur de nos légitimes aspirations.
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