Le raccourci récurrent, c’est : les Cramps font du rock’n’roll, Jon Spencer du blues et les Make Up du gospel. Certes réductrice, tronquée, l’hypothèse tient la route et donne le ton. On comprendra de suite que les racines négroïdes invoquées développent pour le coup des excroissances bonsaïs et noueuses dont ce sixième album poursuit les […]
Le raccourci récurrent, c’est : les Cramps font du rock’n’roll, Jon Spencer du blues et les Make Up du gospel. Certes réductrice, tronquée, l’hypothèse tient la route et donne le ton. On comprendra de suite que les racines négroïdes invoquées développent pour le coup des excroissances bonsaïs et noueuses dont ce sixième album poursuit les déclinaisons déviantes. Ici pourtant, la production très sobre de Bredan Canty, batteur du monacal Fugazi, débouche sur une sorte de rigueur en trompe-l’oeil, aussitôt démentie par les concerts de leur récente tournée française. Ian Svenonius est bien cet autre fauve de la trempe des Iggy Pop ou Lux Interior, à peine domestiqué en studio, le temps de rendre sa cause défendable. Disons qu’avec Save yourself il tente de mettre en phase ses chansons flageolantes et leurs textes sur le thème persistant de la rédemption spirituelle. Et il y parvient quasiment. Avec des bribes de psychédélisme, quelques restes de soul-music efflanquée et une voix acidulée de fausset diabolique, il entraîne ses Make Up vers une friche envahie de guitares épineuses et aigrelettes, de rythmes chaloupés bien qu’anguleux, de mélodies étouffées sous le maquillage outré d’une folie douce. Autoproclamée Gospedelic, cette musique se veut caressante, mais vous griffe les sens avec la désinvolture d’un jeune chien. Même sous les traits du classique Hey Joe, elle dérive d’un rock’n’roll désarticulé vers des espaces mouvants et flous, des harmonies sucrées/salées très personnelles.
Plus proches de l’hydre new-yorkaise que de leur Washington natal, les garçons de Make Up allient une chaleur conviviale à des expériences nettement plus blafardes, pour donner à leurs White belts ou Call me mommy une sorte de grâce claudicante du meilleur effet. Gang Of Four et Love kidnappent George Clinton. Le Blues Explosion cambriole les locaux de la Tamla Motown. Et tout le monde se retrouve sur un trampoline transformé en dance-floor. Le manque d’équilibre altère les déhanchements, mais accroît l’intérêt de ce métissage inédit.
On pourra décemment penser que Save yourself offre la version expurgée de ses prédécesseurs After dark ou In mass mind, mais ce léger toilettage rend bien plus explicite ce groove cyclothymique et farouche, sans cesse chahuté par ses propres auteurs, sans cesse relancé par de nouvelles investigations en eaux troubles. Si le rock’n’roll a encore un avenir, il en passera forcément par là.
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