« Skylanders Superchargers », « Disney Infinity 3.0 » (qui est aussi un jeu « Stars Wars ») et maintenant le luxueux « Lego Dimensions » : les « jouets vidéo » partent à l’assaut des mini-gamers et des portefeuilles de leurs parents. On se méfiait un peu mais, à la longue, on y a succombé.
Quelle joie immense d’accueillir de nouvelles recrues. Batman, Homer Simpson, Marty McFly et quelques autres, cette fois en version Lego, sont venus rejoindre Kirby, Link, Hulk, Iron Man, Jack Sparrow, Yoda, Flash McQueen, la fée Clochette, Sully et Mike de Monstres et Cie et tout un tas de Skylanders dont on n’a pas forcément retenu les noms dans notre somptueuses collection de figurines. Qu’on admire, qu’on chérit, qu’on conserve précieusement.
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https://www.youtube.com/watch?v=YBMFr-a9Xe8
Sur le marché des jeux vidéo pour enfants, c’est en 2011 que le basculement a eu lieu. Cette année-là, Activision lançait le premier Skylanders, jeu vidéo accompagné d’une collection de jouets que les mini-gamers étaient chaudement invités à collectionner, et dont le succès fut spectaculaire. Le principe : les figurines que le joueur possède sont aussi les personnages qu’il dirige dans le jeu. Il lui suffit de les poser sur un socle spécial branché à sa console et, miracle, la bestiole qu’il serrait contre son cœur quelques instants plus tôt apparaît à l’écran.
Un marché extrêmement lucratif
Skylanders a rapidement fait des émules et, cette année, trois jeux se disputent le marché extrêmement lucratif des « jouets vidéo » (selon l’expression consacrée). Il y a en premier lieu le nouveau Skylanders, sous-titré Superchargers, qui met l’accent sur le pilotage de véhicules mais s’apparente plus généralement à une relecture pour les kids d’une multitude de genres vidéoludiques. Diablo était l’un des modèles de l’épisode 1. Mêlant course, plateforme et bagarre pour rire, le millésime 2015 a quant à lui quelque chose des chefs-d’œuvre bariolés 90’s du studio britannique Rare, de Banjo-Kazooie à Diddy Kong Racing – on a toutes les raisons de s’en féliciter.
A cette option compilation, le rival Disney Infinity, dont la nouvelle édition met en vedette l’univers de Star Wars (après, l’an passé, celui des super-héros Marvel), oppose la logique du coffre à jouets. Tel est d’ailleurs le nom de son mode le plus fameux qui, en complément d’une aventure plaisante mais plus conventionnelle, invite le joueur à se faire aussi créateur. Et à mélanger joyeusement les personnages et signes distinctifs des différents mondes de la galaxie Disney.
https://youtu.be/WtiVKvdfh0I
Le duo Skylanders – Disney Infinity est rejoint cette année par un nouveau concurrent : Lego Dimensions. Du second, il reprend la logique du mash-up d’univers en bondissant du Seigneur des anneaux à Ghostbusters ou à Retour vers le futur, de DC Comics à Scooby-Doo et Doctor Who, tout en s’appuyant sur le savoir-faire du studio britannique Traveller’s Tales, en charge des jeux vidéo Lego depuis une décennie.
Sur l’écran, la formule ludique reste globalement la même, mais c’est quand on pose la manette que tout change. Car, cette fois, il faut fabriquer soi-même les éléments, personnages et objets du jeu. Dans son salon, avec de vraies briques de Lego. Au point que l’on ne sait plus ce qui, du jeu vidéo et des jouets qui l’accompagnent, doit être considéré comme essentiel et comme accessoire.
Quatrième mousquetaire du jouet vidéo, Nintendo a aussi lancé ses figurines, les Amiibo, mais leur fonction se révèle sensiblement différente : à quelques exceptions près (dont Super Smash Bros, où elles font office de combattant perso que le joueur « entraîne »), elles permettent surtout d’obtenir des bonus dans les jeux avec lesquels elles sont compatibles.
Et c’est ainsi, tout en restant conscient du côté extrêmement mercantile du principe (avec l’appel plus ou moins insistant à l’achat de nouvelles figurines pour accéder à certaines parties, interdites dans le cas contraire, du jeu), qu’on a succombé. D’abord parce que ces jouets vidéo font de nous des joueurs mutants, des sortes de DJ de personnages et de véhicules dont les socles lumineux – en particulier celui de Lego Dimensions, qui clignote dans la nuit – sont comme des tables de mixage ludiques.
Retour au tactile
Il y a un vrai plaisir dans ce retour au physique, au tactile, et dans les va-et-vient constants entre le réel et l’écran. En ces temps où l’on évoque beaucoup la réalité augmentée, ces jeux inventent à l’inverse une sorte de virtualité augmentée en ne convoquant pas seulement la vue mais aussi le toucher. Les jeux vidéo colonisent notre espace de vie pour de bon – et nos placards, où s’accumulent ces nouveaux jouets précieux.
Sauf que ce ne sont peut-être pas des jouets, pas de simples figurines que l’on manipulerait négligemment. Ces guerriers Jedi et ces chasseurs de fantômes, ces Mario costumés et ces Skylanders armés jusqu’aux dents sont les statuettes religieuses de notre temps. Le socle branché à la console est l’autel sur lequel on pratique la religion dont ils sont les dieux, celle de la culture pop transgénérationnelle mondialisée.
Culte étrange
Entre notre vie (notre chambre, notre salon) et l’au-delà (l’image, l’écran, le jeu), des passerelles sont ouvertes. Alors les divinités enfantines montent et redescendent, s’animent, s’incarnent et nous admettent parmi elles. C’est beau, émouvant et peut-être aussi un peu inquiétant. Jusqu’où ce culte étrange va-t-il nous entraîner ? Ne pourra-t-on bientôt plus croire (aux personnages, à leurs aventures) sans toucher ? Les questions finiront bien par se poser. Mais plus tard, beaucoup plus tard : pour l’heure, on a une Batmobile à monter.
Disney Infinity 3.0 (Avalanche Software / Disney), sur PS3, PS4, Wii U, Xbox 360, Xbox One et PC, de 40 à 50 € (pack de démarrage)
Lego Dimensions (Travellers’s Tales / Warner), sur PS3, PS4, Wii U, Xbox 360 et Xbox One, environ 90 € (pack de démarrage)
Skylanders : Superchargers (Vicarious Visions / Activision), sur PS3, PS4, Wii, Wii U, 3DS, Xbox 360, Xbox One et iOS, de 40 à70 € (pack de démarrage)
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