Miossec revient le 14 avril avec un splendide nouvel album : premier extrait en avant-première et interview exclusive.
Trois ans après le précédent et très rock Chansons ordinaires, Miossec revient le 14 avril avec Ici-bas, Ici-même, un nouvel album dont la belle sobriété contraste avec l’immense musicalité, un disque raffiné et profond, enregistré avec Albin de la Simone et Jean-Baptiste Brunhes et comportant un texte de Sophie Calle et Grégoire Bouillier, une sorte de retour aux sources et à l’instinct du premier jet du premier Boire, paru il y a presque 20 ans.
Ici-bas, Ici-même est un retour à la « chansonnette », explique un garçon toujours aussi chic mais décidément trop modeste -ses « chansonnettes » sont des morceaux d’une rare intensité, qu’habitent des textes à l’amertume à fleur de peau, des thèmes aux résonances bouleversantes.
Un premier extrait d’Ici-bas, Ici-même, la très symbolique ouverture On vient à peine de commencer, est présenté ici en avant-première. Miossec nous a pour l’occasion offert sa première interview, à découvrir en exclusivité ci-dessous. « C’est pas fini, on vient à peine de commencer » : à bientôt 50 ans, la nouvelle jeunesse de Christophe Miossec brille à brûler les cœurs.
Concerts : du 9 au 12 avril à Brest, le 15 à La Roche-sur-Yon, le 23 au Printemps de Bourges, le 6 mai à Martigues, le 15 à Blois, le 27 au Théâtre National de Bretagne à Rennes, puis en tournée à l’automne.
http://youtu.be/ZNQdTd10jX0
ENTRETIEN
Que peux-tu me dire de l’histoire d’Ici-bas, ici-même ?
C’est deux ans de recherche, de gamberge. Comme le premier album, comme Boire : il y avait eu énormément de gamberge avant qu’il n’arrive, puis les autres disques sont partis vers autre chose. J’ai eu une réflexion générale sur la musique : pourquoi en faire, qu’est ce qu’on a à raconter ? C’est aussi le disque le plus proche de ce que j’écoute en ce moment à la maison : je suis au gramophone et au 78t, en ce moment j’explore les orchestres Français-Argentins des années 40 ou 50. C’est ultra-snob (rires). Ce sont des enregistrements où un seul micro enregistre tout. Ce qui est joué est palpable pour l’auditeur, la musique n’est pas dans un espace informatisé comme elle l’est aujourd’hui. Je suis parti pour ne faire que ça : s’interdire les couches, s’interdire beaucoup de choses, éviter de trop flatter la chanson.
Que peux-tu me dire de ton envie de travailler avec Albin de la Simone et Jean-Baptiste Brunhes ?
Jean-Christophe Tabuy, mon ingénieur du son en concert, me conseillait depuis longtemps de travailler avec Albin de la Simone mais lui étant chanteur, je ne voyais pas vraiment ce qu’on pouvait faire ensemble. J’ai rencontré JB Brunhes, qui m’a aussi parlé d’Albin : deux personnes me conseillait la même chose, c’était obligatoire pour moi d’y aller. On s’est vus sur Paris, on n’a même pas essayé de jouer : au premier restaurant, on a fait un agenda et le plus fou est qu’on l’a tenu jusqu’à la fin. Albin et Jean-Baptiste sont venus chez moi, dans le Finistère Nord, on a commencé le disque tout de suite. Il n’y a pas eu de maquettes : Jean-Baptiste Bruhnes, l’ingénieur du son, faisait partie intégrante du processus et on a gardé énormément de premières prises. On voulait garder les impulsions initiales, comme une sorte de long premier jet. On était à trois à avoir les mains dans le moteur, avec l’idée qu’il n’y avait pas de chef suprême.
Ce n’est pas difficile de détricoter ses habitudes, de retrouver son instinct ? Ca demande une certaine confiance, non ?
Non. Le risque est nul : on ne risque que le ridicule (rires). Mais avoir un drôle de sentiment avec mes disques était quelque chose de bizarre, je voulais cette fois être en totale correspondance avec l’album comme je l’avais été avec Boire. C’est passé par la rencontre de personnalités fortes, Guillaume Jouan pour Boire, Albin de la Simone pour Ici-bas, Ici-même.
Les chansons d’Ici-bas, Ici-même sont à la fois très minimales et très raffinées, comment l’expliques-tu ?
En termes de composition, ce sont des choses toutes simples que je chantonnais tout seul à la maison. Je ne voulais pas trop bien faire ces choses toutes bêtes, car ces choses toutes bêtes sont des chansons et leur esprit doit rester. Les arrangements ont été faits à trois, sauf les cordes qu’Albin a pris en charge seul. Ca a été fait en studio mais, là aussi, aucune note n’a été écrite sur papier : on est resté dans le même désir d’instantanéité des chansons. C’est un peu l’idée du roots.
Tu as pris plus de plaisir avec cet album qu’avec les précédents ?
Oui, largement ! S’interdire la batterie, ne conserver comme sur Boire que la grosse caisse, conserver la simplicité des choses. Et, surtout, ne pas avoir un doigt de pied dans le pop-rock (rires)… Le plaisir est venu tout seul, de la manière dont la communication s’est créée entre nous trois : quand ça roule comme ça, c’est merveilleux, ce sont des moments de joie. J’avais déjà joué mes chansons à d’autres musiciens, mais j’avais l’impression de passer pour un crétin (rires). Ce sont des chansons qui ne sont tellement pas virtuoses, et le musicien est une espèce tellement particulière…
Chansons ordinaires était très différent, très rock… As-tu eu des doutes après lui ?
Non, au contraire, c’était bien Chansons ordinaires. Je savais que c’était la dernière fois que je faisais du rock : il fallait vite que je fasse un disque de rock avant de passer à autre chose. Et la tournée, avec les gars de Santa Cruz, a vraiment été bien.
Tu parles de « passer à autre chose » : le temps qui passe, qui use l’amour ou les corps, voire la mort sont des thèmes très présents sur Ici-bas, Ici-même. C’est quelque chose que tu as puisé en toi, un questionnement intime ?
Oui, complètement. C’est la question de l’utilité que l’on a. Juste faire un disque pour essayer de passer à la radio ou essayer de creuser son propre truc. Et faire gaffe à toutes ces putains de modes. Le fait d’habiter dans le Finistère a joué : j’ai trouvé ici ma « fonction sociale ». J’ai un copain boulanger, j’ai un copain fromager, j’ai l’impression d’avoir trouvé mon boulot au niveau local. Après, la question est de savoir ce que tu balances au niveau national… Il y a aussi 20 ans, mes 50 ans qui arrivent : c’est le déluge. Continuer à mouiller la chemise sur scène devient essentiel. Les concerts maintiennent beaucoup de gens en vie. Ne serait-ce que pouvoir gueuler un bon coup, cracher quelque chose à la face du monde…
Cracher quelque chose d’assez amer, non ?
Les textes de l’album sont amers, oui, mais l’amertume n’empêche pas de continuer à œuvrer. Elle peut même être un très bon carburant. C’est la position du chanteur : quitte à ouvrir sa gueule, qu’est-ce que tu vas raconter, qu’est ce qui va être intéressant, toucher quelqu’un d’autre ailleurs, ailleurs que dans le Pays de Brest (rires) ?
L’album s’appelle Ici-bas, Ici-même mais tu vises quelque chose d’universel ?
Non, ça reste de la chansonnette. C’est un point de vue, ça le reste. C’est peut-être mon « ici-bas, ici-même » : en travaillant avec Albin, j’ai l’impression d’avoir fait quelque chose de plus personnel.
Que peux-tu me dire de ta collaboration avec Sophie Calle et Grégoire Bouillier sur Répondez par oui ou par non ?
C’est un truc rigolo, en fait, on s’est beaucoup amusés. Sophie aime bien la chansonnette aussi, elle adore la chanson populaire, elle connaît très bien la musique camarguaise par exemple. On s’était mis à écrire des chansons, dont ce texte. J’aime l’idée de pouvoir m’approprier les mots de quelqu’un d’autre. Au départ le morceau était coécrit, on avait une trame de texte, ébauchée à deux. Puis Sophie a envoyé des idées, puis d’autres idées, puis d’autres idées ; j’ai fini par effacer tout ce qui venait de moi (rires)…