Sous le soleil cramant de Californie, les jumeaux Shears de The Garden proposent un projet basse/batterie minimaliste et percutant, tout en se jouant d’une image de fashionistas fumistes.
Quand on écoute pour la première fois la musique de The Garden, Fletcher et Wyatt de leur prénom (ça ne s’invente pas), leur background social et culturel semble sauter aux yeux. Avec leurs chansons qui dépassent rarement les deux minutes, expédiées telles des Minutemen teenage, on ne s’étonnera pas que ces deux-là ne dépassent guère la vingtaine, viennent probablement d’une banlieue huppée et soient entrés en musique pour tromper leur ennui – ou quelque chose de ce genre.
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http://youtu.be/VFIuZ3C7IJM
Et on n’aura pas tout à fait tort : Fletcher (batterie) et Wyatt (basse/chant), signés depuis deux ans environ sur le label Burger Records (défricheur de pépites garages weird déjà responsable des méfaits de Gap Dream et Cosmonauts) répondent peu ou prou à ces critères. Il n’y a qu’à écouter leurs albums, tous disponibles en écoute intégrale sur leur Bandcamp, pour s’en convaincre : leur musique suinte le désœuvrement résidentiel et les palmiers artificiels et possède une appréhension je-m’en-foutiste salvatrice, car frondeuse.
Début 2013, végétant sur leur label, les deux comparses se font repérer par la bande d’Hedi Slimane et ses sbires et débarquent illico à Paris pour participer au défilé Saint Laurent de la Fashion Week. De leur propre aveu, ils passent alors de concerts quasiment vides à une fanbase dévouée, prête à défendre la cause The Garden le couteau entre les dents. Difficile de faire plus artificiel comme entrée en matière : le doute est là, et on se dit que les frangins portent très bien le costume de groupe-pour-modasses qui ne durera sûrement que le temps d’une saison – au mieux. Leurs chansons, véritables petits manifestes néo-punk et absurdes, parlent de trombones et posent des questions aussi existentielles que : « Have you ever seen an apple walking around ? » Leurs prestations live sont à l’avenant, délicieusement surréalistes :
Il y a quelque chose de proprement fascinant chez The Garden, l’incertitude totale de savoir si on se trouve en face d’une sorte de fulgurance à deux têtes, magnifique de désinvolture et qui ne demande qu’à se déployer sur la durée, ou au contraire de deux freluquets parfaitement conscients de leurs singeries et qui se moquent ouvertement du monde. Les deux options peuvent toutefois aller de pair, et on ne demande qu’à voir ce qui va se passer. Lors de leur dernière date à Paris, les filles semblaient foudroyées par le magnétisme rigolard de ces deux branleurs dada, et on se disait qu’on assistait à un véritable phénomène en marche.
On redoute autant que l’on craint l’évolution de ce formidable simulacre de danger, car il n’y a aucun doute là-dessus, c’est de là que viennent leur attraction étrange : ni laids, ni beaux, androgynes sans vraiment provoquer le trouble, Fletcher et Wyatt Shears naviguent dans des territoires insituables. New-wave, punk et viciée, la voix gorgée de morgue et de réverb de Wyatt dépose son assurance sans en délivrer pleinement les intentions, et c’est presque tant mieux. Ces deux énergumènes sont-ils vraiment dangereux, ou simplement de purs produits pour papier glacé, interchangeables et malléables à l’envi ? Il est permis de penser que le halo de mystère entourant The Garden apparaît comme libérateur – aussi factice soit-il.
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