At the close of a century

De Jamiroquai au new jack, du nouveau R’n’B au recyclage de certains de ses thèmes les plus célèbres par la jeune classe du rap américain, on peut dire que le destin artistique de Stevie Wonder a atteint ces dernières années son firmament. Même si La parution d’un recueil de quatre albums à la séduction intacte promet à son auteur l’éternité de ceux qui voulurent plaire au plus grand nombre, il va de soi que certains viendront, aujourd’hui encore, lui faire reproche d’avoir dans cette entreprise trop magistralement réussi : en effet, chez Wonder, l’essentiel se passe au niveau de l’accomplissement mélodique, de la mise en apothéose d’idées musicales qui s’épousent dans un monde mièvre où dissonance et conflit sont proscrits. S’il n’a jamais quitté la Motown, c’est que son évasion s’est faite de l’intérieur, de la structure même – à laquelle il finira par imposer ses vues et ses conditions -, mais surtout à l’intérieur de lui-même, où il trouvera ce que beaucoup ne soupçonnaient pas qu’il puisse posséder : du génie. Ses premiers pas d’artiste émancipé au début des années 70, où il jouit d’une plus grande liberté qui l’amène à s’emparer définitivement de son répertoire, nous montre combien, loin de rejeter la « manière » Tamla Motown, il la submerge. Ses trois chefs-d’œuvre (Talkin book, Innervisions et Fullfillingness’ largement représenté dans ce coffret) vont libérer un black Beatle, spécimen d’une totale rareté pouvant refléter dans le même prisme harmonique la géniale mièvrerie de McCartney et les splendides introspections de Lennon. Le principal écueil de ce coffret reste d’avoir consacré un volume sur quatre à la  période mineure de I just called to say I love you qui signale que le mièvre l’a définitivement emporté sur le génie.

            {"type":"Pave-Haut2-Desktop"}