Le 12 septembre au soir, l’énigmatique Hope Sandoval et son groupe, les Warm Inventions, ont donné une splendide prestation au Café de la Danse à Paris. Récit.
Il n’y a pas si longtemps que ça, lorsque adolescent on découvrait la gente féminine dans toute sa complexité, on était tombé sous le charme d’une belle Américano-mexicaine qui, malgré un prénom engageant, Hope, laissait bien peu d’espoirs à ceux qui avait succombé à sa personne. Auréolée d’un mystère savamment entretenu, cette divine garce est depuis restée une icône à part dans l’univers si masculin du rock actuel.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Entourée de son groupe, Mazzy Star, et de son compagnon d’écriture, le ténébreux David Roback, Hope Sandoval provoquait par sa seule voix un sentiment irréel de relâchement, d’abandon, de tristesse infinie. Impossible à cette époque d’en savoir plus, de comprendre l’osmose entre Hope et ses hommes de mains : la belle fuit les interviews et toutes les séances photos, se complaisant sur scène dans un mutisme hautain. En coulisses, la diva régente tout et ses caprices viendront à bout des meilleures volontés. A cette époque, on aurait presque juré que Lou Reed avait écrit son Femme Fatale pour elle. Bel anachronisme.
Elle finit par se faire la malle, après quelques albums à la beauté vénéneuse et au psychédélisme envoûtant, abandonnant son souffre douleur et mentor David Roback pour l’Angleterre. Désormais acoquinée avec Colm O Closoig, batteur des regrettés My Bloody Valentine, elle forme Hope Sandoval & The Warm Inventions et publie Bavarian Fruit Bread, disque toujours hanté par les climats sombres du Velvet Underground et le folk mystique de Pentangle (Bert Jansch, mythique guitariste de cette formation phare du folk britannique fait d’ailleurs une apparition remarquée sur l’album).
C’est donc en amoureux de toujours qu’on attend la belle Hope sur la scène du Café de la Danse en ce début du mois de septembre, assis au premier rang non loin de son micro. Fidèle à sa réputation, son apparition retardée provoquera dans la salle quelques remous de mécontentements qui se mueront en sourires exaltés lorsque la belle, entourée de ses Warm Inventions, attaquera d’emblée On The Low dans une pénombre qui confine au recueillement. A l’entrée de la salle, un panneau nous avait implicitement prévenus : la musique jouée ce soir sera « ambiant » et « cool » (sic), prière de respecter le silence pendant le concert.
Le public restera effectivement bien sage durant la représentation. Et les lumières toujours aussi faibles : des spots bleus sont partiellement braqués sur le groupe pendant que Hope se tient à l’avant, dans la pénombre. Même si l’on ne distingue jamais nettement ses traits (s’ennuie-t-elle ? ressent-elle de l’agacement ? de la tristesse ?), une sensualité intense se dégage de chacun de ses gestes, lorsqu’elle remet sa mèche baladeuse, lorsqu’elle joue nerveusement de son harmonica ou martyrise son glockenspiel.
La plupart des titres sont extraits de Bavarian Fruit Bread et personne n’osera ? même si l’envie n’en manque pas ? briser le pacte tacite de silence pour demander un de ses joyaux passés. Quelques inédits et morceaux rares dévoileront néanmoins leurs secrets, notamment un Silver & Gold orné d’arpèges hantés.
Avant le rappel, une reprise habitée de la comptine racoleuse des Rolling Stones Play with Fire nous confortera dans notre opinion : la belle allumeuse chante divinement bien ces paroles explicites de l’androgyne Jagger (« don’t play with me cause you play with fire« ). Le groupe s’en donne également à c’ur joie, livrant une version explosive de ce classique intemporel, finissant sans leur maîtresse qui quitte précipitamment la scène. Tonnerre d’applaudissements.
De retour sur scène, le groupe entame cette deuxième partie par une autre reprise. Louise des américains mélancoliques d’Acetone devient entre les mains des Warms Inventions une splendeur psychédélique toute en retenue. Le final, un splendide Suzanne, achèvera de bien belle manière cette soirée hypnotique. Derrière, on aperçoit un pauvre gus en transe, en train de danser comme sous l’effet d’une drogue puissante. Lorsque les lumière se rallument, on lira un bonheur intense sur son visage : celui-là vient de tomber pour la première fois entre les griffes de la diablesse.
{"type":"Banniere-Basse"}