Le groupe de John Dwyer sortira son nouvel album « Drop » le 19 avril prochain, et il semblerait que tout le monde n’ait pas encore compris que Thee Oh Sees était « le plus grand groupe de rock en activité ». La preuve en cinq points.
Cette formulation ne vient pas de nous, mais de Jim Jarmusch (on se dédouane comme on peut), qui déclarait en 2009 que la bande à John Dwyer était « le plus grand groupe de rock’n’roll au monde ». Certes, cette déclaration date d’il y a quatre ans, et ce genre de jugement à l’emporte-pièces est généralement à prendre avec des pincettes. Il n’empêche : le groupe originaire de San Francisco publie régulièrement depuis 2006 et sur un rythme effréné des disques à tomber par terre et le dernier en date, Drop (à paraître le 19 avril), est loin de remettre en cause leur vitalité éclatante –au contraire, c’est un disque phénoménal. Ici, nous tenterons donc de démontrer, en cinq points (et en toute mauvaise foi), que l’auteur de Down By Law n’avait peut-être pas tout à fait tort quand il parlait de Thee Oh Sees, et surtout, que cette déclaration (péremptoire) est aujourd’hui toujours d’actualité.
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1. Le groupe est productif comme personne
John Dwyer, le jovial leader de Thee Oh Sees, n’est pas exactement un petit nouveau de la scène garage-rock américaine. A près de 40 ans, l’homme fait presque figure de vétéran dans le milieu et est passé par une bonne dizaine de groupes californiens (dont les formidables Coachwhips, qui se reforment cette année et joueront au festival Villette Sonique) avant de prendre les rênes de Thee Oh Sees. Stakhanoviste et sûr de son fait, l’homme s’est à chaque fois évertué à produire de la musique à un rythme effréné (en moyenne un album par an, et on ne compte pas les innombrables eps, split-eps, apparitions sur diverses compilations, etc…) et surtout à un niveau de qualité constant : il n’y a qu’à écouter leurs Singles Collection, ils sont tous formidables.
Le groupe n’a pas volé sa réputation de « hardest working band on the planet » : l’année dernière, il s’octroyait une « pause bien méritée et rentrait dans une période de hiatus à durée indéterminée ». On a craint la séparation : au lieu de ça, Thee Oh Sees a sorti en trois mois trois chansons, enregistré un album et annoncé une nouvelle tournée. A l’heure où la majorité des groupes rock d’aujourd’hui composent et distillent leurs chansons au compte-goutte, l’approche spontanée de Thee Oh Sees apparaît comme particulièrement rafraîchissante.
2. En live, c’est fou
S’il y a bien une chose qui montre la supériorité de Thee Oh Sees sur une bonne partie de ses contemporains, c’est leurs prestations live. Véritable machine de guerre scénique, le groupe appréhende ses concerts comme autant de petits champs de bataille dévastateurs. A l’heure de l’interminable crise du disque, le live est devenu pour nombres de formations un passage promotionnel obligé. Les tournées se rallongent de plus en plus, et la plupart des groupes, au bout d’un moment, apparaissent fort logiquement crevés, sans envie, blasés et au bout du rouleau.
Il semblerait que ce soit tout l’inverse pour Thee Oh Sees : d’une part, le groupe tourne sans arrêt (on en revient à leur statut de « hardest working band on the planet »), et surtout, leurs prestations live sont à chaque fois ravageuses. L’année dernière, le groupe jouait dans le cadre du festival City Sounds à Paris, et montrait encore une fois sa vitalité surhumaine. C’est bien simple : on vous met au défi de trouver sur Youtube ne serait-ce qu’une seule vidéo live moyenne. Et pour ceux qui ne sont toujours pas convaincus, on vous conseille d’aller vérifier par vous-mêmes cet été : le groupe passera en effet par Rock en Seine (23 août) et la Route Du Rock (14 août).
3. Son approche est directe et primaire, ce qui est la définition même du rock’n’roll
Sale, directe, régressive, dangereuse, menaçante, désossée et sans bout de gras : la musique de Thee Oh Sees est le contraire exact du rock de stade. Quand on écoute leur discographie (et il y a de quoi faire), on est frappé par le caractère racinaire et constamment tendu d’une musique qui ne s’embarrasse pas de passer par quatre chemins. Même sur leurs chansons les plus calmes, on peut toujours déceler ce sens de l’urgence qui manque à tant de groupes aujourd’hui.
De plus, le groupe a la bonne idée d’éviter de se parer dans des poses prétendument rock’n’roll, ou de multiplier les déclarations tapageuses et faussement provocatrices. En interview, le groupe définit son approche en ces termes :
« On fait juste ce qu’on a à faire. La plupart des chansons ont déjà été travaillées au moment où nous entrons en studio, afin que nous puissions toutes les enregistrer en deux jours. Les deux jours suivants passés dans le studio consistent à composer sur l’instant et à s’amuser ».
Inutile de dire que ce sens de l’immédiateté et du fun est aujourd’hui une denrée rare.
4. Le groupe est versatile et se permet tout
On vous parlait de l’absence totale de calcul dans l’approche de Thee Oh Sees, du rythme effréné auquel il livre régulièrement ses disques et de ses prestations live pour le moins dévastatrices. Cela se retrouve aussi dans leur manière d’appréhender leur musique. Contrairement à bon nombre de groupes estampillés « garage » aujourd’hui, Thee Oh Sees ne semble pas vouloir rester en place, stylistiquement parlant. Si la plupart desdits groupes répètent ad nauseam les mêmes formules rock’n’roll entendues depuis 50 ans, Thee Oh Sees prouve que fondamentaux et fraîcheur peuvent faire bon ménage.
http://youtu.be/DwEWBZBVgkE
Du coup, le groupe se permet régulièrement des libertés bienvenues, et semble n’en faire qu’à sa tête. John Dwyer et sa bande peuvent en effet reprendre The Burning Spear, une chanson de Sonic Youth parue sur le tout premier Ep du groupe de Thurston Moore (à l’époque où ils n’étaient encore qu’un groupe no-wave local), et le résultat est parfait. Ce qu’il faut signaler aussi, c’est que Thee Oh Sees passe d’un genre à l’autre avec une facilité déconcertante, tout en gardant son identité intacte : qu’il soit psyché, kraut, folk ou même pop, le groupe traverse ces genres avec une maîtrise à chaque fois impériale. Il peut aussi bien proposer une piste krautrock répétitive de plus de dix minutes ou une chanson pop débilitante et jouissive de deux minutes, sans qu’on n’y trouve rien à redire : le groupe se permet de toute façon tout, et le fait mieux que tout le monde.
5. Il possède une influence considérable
Véritable fer de lance de la scène garage américaine d’aujourd’hui, le groupe de John Dwyer possède sur ses contemporains une aura et une influence considérables. Lorsqu’on observe leur parcours, on se rend compte que le groupe, après s’être appelé OCS puis The OhSees, est passé par la crème des labels rock’n’roll. D’abord signés chez Narnack Records, le groupe a ensuite atterri chez In The Red, pour figurer dans le haut du panier aux côtés notamment des Black Lips, Dirtbombs, Hunches, Jay Reatard, Oblivians ou encore King Khan & BBQ (excusez du peu).
John Dwyer a par la suite fondé son propre label, Castle Face Records, et acquis du même coup une indépendance et une mainmise non négligeables. Ce label peut d’ailleurs se targuer aujourd’hui de détenir la crème de la scène rock-garage actuelle, avec notamment Warm Soda, White Fence, The Mallard, The Fresh & Onlys ou encore le premier album de Ty Segall (qui a d’ailleurs été repéré par Castle Face Records). Ce même Ty Segall, dont l’ascendant sur la scène rock’n’roll actuelle n’est plus à démontrer, déclarait il n’y a pas si longtemps que John Dwyer était son maître à penser ultime, et était même prêt à mettre sa main à couper que d’ici 50 ans, Thee Oh Sees serait considéré comme le 13th Floor Elevators de notre temps. Et vous, vous êtes prêts à parier ?
Bonus : le nouvel album de Thee Oh Sees, Drop, qui sortira le 19 avril, est disponible en streaming à cette adresse, et témoigne de la vitalité constante du groupe.
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