Groupe londonien, auteur de singles et d’un album remarquables et remarqués, Flotation Toy Warning posait pendant quelques jours ses valises en France à l’occasion d’une mini-tournée. A Paris, il fallait prendre le bateau pour aller à la rencontre de ces chansons élégiaques et fragiles. Récit.
« J’suis dans un état proche de l’Ohio, j’ai le moral à zéro« . En ce matin du 3 novembre, où il ne fait plus de doute que George W. Bush va repartir en piste pour « four more years« , la chanson de Gainsbourg s’accorde bien au moral des Français. Ceux qui la chantonnent arrivent à nous faire sourire. C’est déjà ça.
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Une jolie journée s’installe sur Paris, malgré tout. En plus, ce soir, il y a concert. Un concert qui tombe à pic, car plutôt évocateur des brumes épaisses de la Tamise que des courants de l’Océan Atlantique : celui des londoniens de Flotation Toy Warning. Le mystérieux quintette achève à Paris une mini-tournée française, après un premier passage remarqué à la Route du Rock 2004, fin août.
Flotation Toy Warning. On peut dire que ces trois mots nous auront fait fantasmer ces derniers mois, depuis la sortie du single I remember trees. On aura été intrigué par cet objet musical difficilement identifiable, par ce millefeuille sonore hérité de Mercury Rev, par ces drôles d’instruments mentionnés dans les notes de pochettes, comme l’octopad et le domingotron.
Après deux singles épatants et un album qui s’annonce inusable, Bluffer s guide to the flight deck paru cette année (Talitres Records), il nous tardait de voir s’incarner sur scène les cinq membres de FTW.
Le concert a lieu à la Guinguette Pirate, jonque chinoise métamorphosée en salle de concert, amarrée comme le voisin Batofar près de la Grande Bibliothèque. On a presque envie de dire : forcément. Une rivière, un bateau, des livres : quel autre endroit imaginer pour aller à la rencontre de ce groupe au patronyme maritime et dont les disques nous évoquent des aventures à la Jules Verne ?
Il faut attendre un moment avant de voir le groupe monter sur scène (expression un tantinet exagérée ici, puisqu’il n’y a pas de scène sur la Guinguette). L’affiche est partagée avec deux chanteurs méconnus: Chris Brokaw, du « rock slowcore » selon le flyer (grosso modo, du folk) et Daniel Molksmith, du « glam rock acoustique » (grosso modo, du folk). Ecoute polie de l’audience. Quelques remarques acerbes sur George W. Bush et quelques chansons (folk) plus tard, c’est au tour de FTW de se lancer.
Comme lors de son show case le midi même à la Fnac Montparnasse, le groupe s’avère sympathique et timide. Guitare, basse, batterie, clavier : point de trompette, de violons ou d’instruments incongrus à signaler, finalement. Pas de vidéo non plus, même s’il en était question avant le concert. Emaillé de petits pépins techniques le midi, le concert du soir, lui, se déroule sans accrocs. Dans cette salle peu commode, la voix délicate du chanteur Paul Carter trouve assez vite de l’aisance. Elle osera même s’attaquer au délicat passage d’opéra sur Losing Carolina ; for Drusky.
Flotation Toy Warning exécute ses chansons sans emphase, avec un rendu proche des disques. On ne s’en plaint pas. Les morceaux, ambitieux et parfois compliqués, passent vraiment bien le cap de la scène. Le public, lui, se fait vite chaleureux. Donald Pleasance, morceau de bravoure qui pourra postuler au rang de chef d’ uvre pour 2004, est livré dans une version émouvante. Pourtant longue de neuf minutes, la chanson s’avère presque trop courte, un comble. Suivent d’autres joyaux, comme Fire engine on fire part II (cette scie musicale à glacer le sang, en fait exécutée à la guitare) ou Even Fantastica, sans oublier Losing Carolina. On redécouvre même les jolies Happy 13, qui ouvre l’album, et How the plains let me flat, qui le clôt.
La Guinguette pirate, qui tangue au passage des bateaux-mouches, est prête à chavirer d’émotion. Las, il faudra se contenter de sept ou huit morceaux, pas plus. FTW ne concourt pas au titre de groupe prolifique, et n’en a guère davantage à livrer pour le moment. On aurait certes aimé en entendre un peu plus, et notamment de nouveaux morceaux (en avril peut-être, quand le groupe reviendra en France ?). Mais on revient sur la terre ferme très heureux. Ce soir là, on a flotté très loin de l’Ohio.
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