Avec ses Disques de la Mort, Ivan Smagghe crée à Londres un label tête de mort/ tête chercheuse. Le post-punk trouble franchement l’electro sur ses premiers maxis aussi fascinants qu’inclassables.
Ivan Smagghe a la dent dure pour son interlocuteur. Le garçon est trop roué pour revêtir l’habit de corbeau qu’on prête parfois au signataire de la compilation Death Disco et cofondateur du label Kill The DJ.
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“Le nom du label est plus un running gag qu’il ne révèle une intention mortifère… Avec mon associé Leon, on l’a choisi pour son ambiguïté. Je ne vais pas revenir sur l’absence de contradiction entre froideur et dance-floor : ce qui pouvait être un peu provoc il y a dix ans est aujourd’hui un cliché comme un autre. La mort n’est donc le nom de rien, ou plutôt de l’inconnu.”
L’écrivain Maurice Blanchot disait éprouver devant la mort “une sorte de béatitude” : depuis longtemps Smagghe la toise en rendant le dance-floor béat. En deux maxis qui ont chacun atteint l’objectif gratifiant du sold out, le Waldorf de Margot qui lançait brillamment les débats en relevant sa house grêle de sonorités industrielles et surtout le Pink Industry de Manfredas (assorti d’un remix rebondissant et cinglé signé du copain Zongamin), Smagghe a repris son statut, celui de tête chercheuse frayant avec bonheur dans les marges.
“Elitiste ? Forcément, si tu crées un petit label, tu t’adresses à peu de gens. J’aime brouiller les pistes mais je n’ai pas spécialement de respect pour ceux qui prennent une posture underground, volontairement obscure.”
Ainsi, éditer du vinyle ne relève pas d’un fétichisme pour un quelconque âge d’or : “Je ne suis pas un fondamentaliste de ce format, il correspond simplement aux goûts de notre public. Il permet aussi de réfléchir au design, à l’objet.” Ne pas se laisser saisir est la nature profonde de ce quadragénaire formé aux grandes écoles (il est sorti major de promo à Sciences-Po), pour qui “le rock’n’roll est aussi une dance-music” et qui alterne sans crier gare la position de passeur réputé pour son flair et celle de créateur reconnu pour son intransigeance.
Dans quelques mois, avec son complice Tim Paris, il livrera ainsi le premier album de son projet It’s A Fine Line, débauchant Alex Kapranos de Franz Ferdinand sur leur single The Delivery. Tandis que sont réédités sur un autre maxi trois artistes underground du Tel-Aviv des années 80 : Tova Gertner, Chromosome et Nosei Hamigbaat. Ou comment relier chant en hébreu, dissonances post-punk et beats baléariques !
“Je ne signe pas vraiment des groupes, je sors des maxis, donc je dispose d’une grande liberté : sur le label, il y a de jeunes génies, de vieux amis, des rééditions, du tout nouveau… Un concept ? C’est le début de la fin. Idéalement, acquérir un de nos disques, c’est ne pas savoir ce qu’on aura entre les mains. The style of no style.”
Les tendances de l’ombre finissent-elles un jour par rejoindre la lumière ? Habitué des crépuscules qui durent, Ivan est souvent en avance à l’aurore. On va arrêter là la métaphore : il s’agace déjà assez qu’on le compare à Barbey d’Aurevilly.
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