That’s all Fauque. Depuis dix ans, les mots de Jean Fauque collent à la voix d’Alain Bashung. Une partie de ping-pong hors du commun, juteuse et jubilatoire. “Quand j’étais gamin, je trouvais la poésie prétentieuse. Pour moi, les poètes, c’était Brel, Ferré, Brassens. A 16 ans, contrairement à beaucoup d’adolescents, j’ai commencé à m’exprimer directement […]
That’s all Fauque. Depuis dix ans, les mots de Jean Fauque collent à la voix d’Alain Bashung. Une partie de ping-pong hors du commun, juteuse et jubilatoire.
« Quand j’étais gamin, je trouvais la poésie prétentieuse. Pour moi, les poètes, c’était Brel, Ferré, Brassens. A 16 ans, contrairement à beaucoup d’adolescents, j’ai commencé à m’exprimer directement par la chanson. Pour moi, il était inconcevable d’écrire quelque chose sans l’envelopper de musique. » Lorsqu’il rencontre Alain Bashung en 75, Jean Fauque croit son heure venue. Une même appartenance à l’univers de la dérision, une connivence immédiate et une complémentarité évidente les désignent comme partenaires de travail. L’aventure ne durera pourtant que le temps de trois chansons, jamais enregistrées : « Elles étaient un peu trop conformistes. Je ne percevais pas bien la direction qu’Alain voulait prendre. Il a trouvé avec Bergman ce qu’il n’a pas trouvé avec moi. A l’époque, nous n’étions pas sur la même longueur d’ondes : j’étais totalement immature et lui avait un vécu solide, je venais d’un univers familial équilibré alors que lui n’avait aucun repère de ce côté-là. Il a fallu du temps pour que nos trajectoires artistiques se croisent. »
Il s’écoulera treize années dont quelques-unes passées à jouer les copains de régiment dans des frasques nocturnes avant que Jean Fauque et Bashung ne retrouvent l’alchimie combinatoire. Bashung tente à l’époque de sortir du créneau du calembour et en bave des ronds de chapeau sur le douloureux Novice. Lorsqu’il demande quelques textes à Jean Fauque, celui-ci s’apprête à quitter sa panoplie de parolier pour celle d’écrivain, moins exigeante en compromis. « Je lui ai montré ce que je pensais être mes derniers textes, une quarantaine de petites choses que j’avais écrites surtout pour me faire plaisir, très éloignées de cette écriture en jeux de mots à la Boby Lapointe dont j’avais la réputation. Il y a trouvé des préoccupations et des thèmes identiques aux siens. Ça l’a rassuré et on s’est retrouvés sur un fond commun de mélancolie lucide et sur les questions existentielles. Moi, je suis un obsédé de métaphysique. Le devenir de l’homme, de la Terre est un sujet qui me taraude, ça rejaillit sur ce que j’écris et ça lui plaît. »
Etrange été, rayon de soleil dans l’univers polaire de Novice, remettra Bashung sur les rails de la poésie et réchauffera des liens distants entre Jean Fauque et la chanson. Rétrospectivement, on pourra trouver dans les couplets de cette chanson fondatrice le résumé symbolique des retrouvailles des deux hommes, mais aussi les promesses d’une longue collaboration (« Moi, ça évite que tu me quittes/… on est deux, on est deux… »). Loin du rapport traditionnel entre parolier et chanteur, depuis dix ans l’association Bashung-Fauque ne ressemble à aucune autre. Ici, pas de commande ni de figures imposées, juste un jeu d’écriture bicéphale savamment entretenu, un ping-pong mental aux règles changeantes, aux exigences renouvelées. Un casse-tête jouissif pour Jean Fauque : « Tomber dans l’exercice schizophrène et arriver avec l’idée de faire une chanson dans le plus pur style de Bashung est le plus sûr moyen de me planter. Alain aime l’échange, le dialogue. Il a besoin d’être confronté à des mots différents des siens, des formulations sur lesquelles il peut rebondir ou qu’il peut s’approprier. Tout auteur qui travaille avec lui doit rester modeste. Il extrait toujours d’un texte les choses qui lui collent vraiment. Travailler avec lui, c’est accepter qu’un texte vous échappe complètement. Parfois, il va rebâtir totalement une chanson autour d’une idée force avec des éléments épars pris dans plusieurs textes, ou alors il me demandera simplement d’être un catalyseur, de lui tendre la perche en précisant une idée encore trop floue chez lui. Souvent, il trouve une unité là où je n’en voyais pas dans mon écriture, en mettant en évidence une métrique : il met son cerveau dans le squelette. »
Deux ans de cette écriture au long cours, de cette ultrafiltration des sens et des mots auront été nécessaires pour donner vie à Fantaisie militaire, l’album le plus positif de Bashung mais aussi le plus apaisé, le plus concerté, le plus pointu, celui pour lequel les mots auront servi plus encore de matrice à l’enveloppe musicale. « Après cet album, je suis vidé, mais tranquille. Les paroles des chansons me poursuivent encore. Alain est un des rares à t’extirper le meilleur de toi-même sous son apparente froideur. Une fois que j’ai bossé avec lui, je peux dire que dans mon métier de parolier, plus rien ne me fait peur. »
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