A l’occasion de la sortie de Bee Hives, formidable collection de face B du collectif Canadien Broken Social Scene, rencontre avec l’un des membres du groupe, Brendan Canning, qui nous en apprend un peu plus sur le passé, le présent et l’avenir de Broken Social Scene.
Enfin distribué en France, le formidable collectif de Toronto Broken Social Scene sort cet été deux disques d’un coup : leur deuxième album You Forgot It in People, jusque-là disponible en import, et Bee Hives, un recueil de morceaux rares ou inédits enregistrés entre juin 2001 et octobre 2003, dont on retiendra notamment une superbe version au piano de Lover s Spit chantée par la Parisienne d’adoption Feist, membre du groupe à temps partiel. A l’occasion d’un rare passage à Paris entre deux festivals européens, l’affable bassiste Brendan Canning a bien voulu répondre à quelques questions.
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Broken Social Scene ressemble davantage à une communauté musicale qu’à un groupe classique. Vu de France, cela semble une spécificité canadienne.
En fait, beaucoup d’entre nous sont d’anciens camarades de lycée, nous nous connaissons donc depuis longtemps. J’ai rencontré Feist il y a onze ans’ Avec toutes ces amitiés musicales, il semblait logique de former un groupe, de jouer ensemble. A un moment ou à un autre, chaque membre de Broken Social Scene a habité Toronto. Aujourd’hui, nous sommes dispersés : certains sont à Montréal, Los Angeles, New York, Feist s’est installée à Paris. Mais Toronto a toujours été la base, et le restera, quoi qu’il arrive.
Depuis votre concert à la Route du rock l’été dernier, comment les choses ont-elles évolué pour vous ?
En France, nous ne sommes pas beaucoup plus connus, un an plus tard. Heureusement, nos disques sont enfin distribués [par Tripsichord]. Mais nos passages ne sont pas assez réguliers. Je pense qu’il nous faudra encore un ou deux ans et des concerts plus fréquents pour que ça commence à prendre.
Au Canada et aux Etats-Unis, en revanche, nous commençons à avoir pas mal de fans. Nous avons vendu 70 000 albums. Le timing a été bon, tout s’est enchaîné naturellement, ce qui n’a pas vraiment été le cas en Europe, où You Forgot It in People est sorti beaucoup plus tard et où nous n’avons pas pu donner beaucoup de concerts. Nous avons la chance d’avoir un bon agent, ce qui, combiné à l’intérêt de certains programmateurs de festivals, nous permet de jouer devant de larges publics en Europe cet été. Pour l’instant, nous ne touchons qu’un petit nombre de personnes, mais qui nous soutiennent énergiquement.
Pourquoi cette compilation, Bee Hives, qui rassemble des outtakes, faces B, anciens morceaux ?
You Forgot a été terminé à l’été 2002, il y a donc deux ans ; il était temps de sortir un nouveau disque. Nous avions ces morceaux en stock, qui montrent une facette différente du groupe, plus calme, atmosphérique, plus proche du tout premier album, Feel Good Lost. Souvent, les fans retiennent surtout les grosses guitares et l’intensité des concerts, alors que Broken Social Scene ne se résume pas à ça. Je pense toutefois que sur le prochain album, nous reviendrons à des morceaux plus rock, plus directs.
Vous êtes une dizaine. Est-il difficile de rassembler tous les musiciens pour tourner ?
Pas tant que ça. Le plus dur, c’est d’arriver à répéter ! Sur certaines tournées, nous ne sommes que sept, parfois d’autres musiciens peuvent se joindre à nous’ Chacun connaît bien l’ensemble des morceaux. On voit au cas par cas. Le line-up est donc fluctuant. Si deux personnes ne peuvent être là, on les remplace par deux autres. C’est comme une équipe de foot !
Expérimentez-vous beaucoup en studio, ou gardez-vous plutôt le premier jet ?
Ça dépend des morceaux, c’est vraiment une combinaison de ces deux approches. Pour certains, nous avons gardé la première prise de voix, car elle nous semblait bien, même si au départ ce n’était qu’une voix témoin. D’autres fois, nous nous retrouvions avec vingt prises de guitares et notre producteur, Dave Newfeld, essayait de tout faire rentrer
You Forgot a été enregistré de février à juillet 2002, avec un break au milieu. On pensait que le disque était terminé mais à la réflexion, il n’était pas totalement abouti, on l’a donc retravaillé jusqu’à en être totalement satisfait. Certaines chansons ont été rajoutées, d’autres retirées car elles ne collaient pas avec le reste ; elles se sont retrouvées sur Bee Hives.
Même si ce n’est pas évident, on sent dans votre musique une influence de la pop et de la new-wave anglaises : New Order, The Smiths’
Pour beaucoup d’entre nous, ce sont des groupes avec lesquels nous avons grandi. J’aime les Smiths plus que New Order, pour Kevin [Drew, guitare et chant], c’est le contraire. Et je suis le plus grand fan des Cocteau Twins dans le groupe On pourrait aussi citer My Bloody Valentine. Tout ça se retrouve dans notre musique, ce sont eux qui nous ont donné envie de jouer. Il y a également des groupes américains comme Dinosaur Jr ou Pavement.
Mais on n’écoute pas que du rock, on est aussi fan du label Ninja Tune, d’Aphex Twin ou The Orb. Et aussi de house music, beaucoup, notamment des artistes français comme ceux de la compile Superdiscount? Et puis chaque membre apporte ses marottes, que ce soit le free jazz ou la musique africaine. C’est vraiment un énorme mélange.
N’avez-vous pas peur d’être un groupe difficilement identifiable ?
Je crois que tous les bons groupes peuvent jouer plus d’un style de musique. Si on m obligeait à jouer toujours la même chose, je crois que je me tirerais une balle, il n’y aurait plus aucun plaisir. Bien sûr, c’est agréable de jouer des morceaux efficaces qui font réagir le public, mais parfois j’ai aussi envie d’expérimenter, de faire des choses très free. On est tous très contents de voir nos efforts récompensés, de pouvoir vivre de notre musique. Mais il ne faut pas se laisser rattraper par la routine et donner simplement aux gens ce qu’ils attendent. Beaucoup de groupes tombent dans ce piège et finissent par faire toujours la même chose.
Vos concerts sont surprenants : vous êtes plusieurs à chanter, certains musiciens débarquent sur un morceau puis repartent en coulisse Il y a un petit côté happening.
On veut qu’il se passe quelque chose, que les gens sentent que nous sommes proches les uns des autres. En même temps, ce n’est pas juste une jam entre amis, à la bonne franquette. Quand un membre du groupe surgit au milieu d’une chanson, ce n’est jamais par hasard, sa présence est essentielle. Mais il est vrai que pour certains, ces concerts sont comme des retrouvailles. C’est un peu une fête et ça se sent. L’amitié entre nous est très importante, sans cela un groupe à l’effectif aussi important ne pourrait pas tenir très longtemps.
Où en est le prochain album ?
Nous avons commencé à travailler dessus en novembre dernier. Ce n’est pas toujours un travail collectif. Quand nous sommes rentrés de notre tournée en Allemagne, Kevin est allé au studio dès le lendemain, tout seul, et a enregistré quatre pistes de voix sur un instrumental. Ensuite, nous avons écouté ce qu’il a fait et avons donné notre avis, dit quelle prise ou quelle partie nous préférions. On fonctionne souvent comme ça : deux ou trois personnes vont en studio pour avancer sur les morceaux, puis d’autres interviennent à leur tour.
Nous devions jouer au Lolapalooza et la tournée a été annulée, on va donc pouvoir avancer sur l’album. On espère le terminer fin octobre, pour une sortie en février 2005. On aimerait que ce soit une sortie mondiale simultanée, cette fois-ci.
Pour le moment, en Europe, nous avons des distributeurs différents selon les pays, c’est assez compliqué. On jouait au Pays-Bas récemment, et je n’ai pas trouvé l’album parce qu’il n’était pas encore sorti C’est frustrant. Heureusement, les gens viennent quand même aux concerts, ils sont informés par Internet. En Europe, nous sommes pour l’instant un secret bien gardé. On espère que ça changera avec le prochain disque.
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