Philippe Faucon, réalisateur de « La Désintégration » nous a accordé un court entretien dans lequel il revient sur les attentats survenus à Paris, vendredi dernier.
En 2011 sortait La Désintégration, film puissant suivant l’itinéraire d’un jeune Français d’origine maghrébine basculant dans le terrorisme. Son réalisateur, Philippe Faucon, est revenu sur les attentats tragiques survenus vendredi 13 novembre.
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Votre réaction à chaud quand vous avez pris connaissance des événements ?
Philippe Faucon – Le sentiment qu’un palier craint depuis un certain temps était atteint : celui de l’attentat d’ampleur exécuté par un groupe structuré et entraîné.
Cet événement s’inscrit-il dans ce que vous avez appris lors de votre travail sur votre film La Désintégration ou dépasse-t-il ce que vous pouviez imaginer ?
Au moment de l’écriture et du tournage, les attentats kamikazes qui concluent le film ont pour moi principalement un sens métaphorique. Ceci dit, dans les discussions que nous avions dès le stade de l’écriture, nous nous sommes posé la question de savoir si des attentats semblables à ceux qui avaient eu lieu à Londres en 2005 seraient possibles en France.
Quelles conséquences politiques, sociales, redoutez-vous ou espérez-vous ?
Ce que je redoute : une segmentation, des fracturations de la société française. Et la médiocrité d’un certain jeu politique qui, par calcul électoraliste à court terme, ne vise qu’à se servir des peurs maintenant installées dans les têtes, ou à se limiter aux discours de circonstances non suivis d’actions. Ce que j’espère : un sursaut, par la capacité que nous pourrons avoir, dans toutes les communautés qui constituent le pays, à dépasser les réflexes et les comportements primaires, et à mettre en œuvre, face aux dangers qui menacent, les conditions du vivre-ensemble.
Sans prétendre détenir de solution miracle, que devraient faire selon vous les politiques, la société, les citoyens, pour sortir de cette situation ?
Au niveau international, nous sommes face à Daesh dans un cas de figure comparable à celui des démocraties face à la montée du nazisme dans les années 30 : plus nous le laisserons se renforcer et plus nous en paierons le prix fort à plus long terme. Toutes les sociétés démocratiques d’aujourd’hui dont les valeurs sont rejetées par Daesh sont concernées. Et celles qui seraient tentées de se préserver en s’abstenant sont dans la même erreur que les signataires anglais et français des accords de Munich en 1938. Au niveau national, il est certain que l’EI se croit fort de sa capacité à frapper sur le sol des pays occidentaux qu’il vise par le biais de leurs propres ressortissants. Et ceci parce qu’il réussit à récupérer les sentiments que peuvent avoir certains d’entre eux de non-appartenance aux sociétés dont ils sont issus, pour leur substituer son idéologie rétrograde et mortifère. Il faut donc trouver les moyens pour que toutes les parties qui constituent la communauté nationale soient chacune dans un sentiment de pleine appartenance à cette communauté.
Que peuvent le cinéma, l’art, la culture, face à ça ?
Affirmer de façon convaincante la force des valeurs opposées à la barbarie, c’est-à-dire tout ce qui mène à l’exclusion, au rejet, à l’élimination de celui ou celle qui ne pense pas, ne vit pas, ne prie pas comme moi.
Vous avez signé « La Désintégration », qui anticipait ce type d’événement, puis récemment « Fatima », qui présente une facette beaucoup plus positive (et majoritaire) des Français d’origine maghrébine et de culture musulmane et qui désirent absolument s’intégrer. La Désintégration présente des personnages masculins, Fatima des personnages féminins : cette question masculin/féminin est-elle un des aspects peu souvent évoqués du problème de la radicalisation jihadiste et que vos deux films évoquent en creux ?
Non. La guerre est depuis la nuit des temps quelque chose qui est principalement du domaine masculin. Mais on a vu concernant l’engagement jihadiste que des femmes étaient également concernées.
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