L’artiste français Kader Attia réagit aux attentats de Paris depuis Berlin où il vit et travaille. Il présente actuellement dans le cadre de la Biennale de Lyon une installation intitulée « Réparer l’irréparable »
Après Charlie Hebdo, je ne doutais pas qu’il ne s’agissait que d’un début, pourtant, j’étais loin d’imaginer l’ampleur du carnage de vendredi soir.
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Comment en sommes-nous arrivés là ? Le discours officiel répond “nous sommes en guerre« , mais peut-on se contenter d’une vision si manichéenne, qui sert le discours des extrémistes de tous bords ? Comment nommer les vrais problèmes pour enfin les résoudre?
Quel est le dénominateur original commun à tous les terroristes, sinon l’ignorance, la pauvreté, et la croyance en une cause, aussi abjecte soit-elle ?
Primo Levi disait : “Je n’ai pas peur des monstres car ils sont rares, ceux qui me terrifient sont les millions de fonctionnaires disciplinés, prêts à exécuter leurs ordres”. Les fonctionnaires de l’islamisme radical sont recrutés aujourd’hui parmi les laissés pour compte du capitalisme néolibéral, entropie contemporaine de la colonisation et de l’esclavage…. Le dogme du profit à tout prix, renforcé par la fin du communisme, a généré une colonisation des classes, et réactive quotidiennement l’inégalité entre groupes sociaux, dont les plus pauvres, majoritairement musulmans en Europe, sont les proies de l’extrémisme.
Assaillis par les taxes, le coût de la vie en perpétuelle augmentation, la ségrégation géographique dans des ghettos, et surtout la fracture actuelle des savoirs qui a engendré une « prolétarisation des esprits », les Français les plus fragiles sont les esclaves du capitalisme.
Tous ces éléments sont le terreau des extrémismes et produisent un vivier toujours plus grand de jeunes Français, musulmans ou non, facilement manipulables, puisque ignorants et sans perspectives d’avenir.
La nouvelle géopolitique des images, et particulièrement la réduction des distances, est une donnée fondamentale des événements tragiques que nous venons de vivre.
Depuis le 11 septembre, l’instantanéité des images d’attaques terroristes sert la politique de la peur. Cette peur, est complémentaire du capitalisme et de sa perversion néolibérale. Elle résulte d’une progression technologique sans équivalent, qui combine la possibilité nomade des moyens de communication et la célérité avec laquelle les e-informations circulent. L’abolition des espaces, adoptée aussi par les groupes radicaux islamistes, donne à l’image la possibilité d’une arme psychologique.
Le terrorisme ne tue pas seulement pour tuer, mais pour nous terroriser et briser la cohésion du groupe. Lui résister, c’est rester solidaires et assumer nos erreurs. Quelles sont-elles ?
Nous devons réparer les fractures qui existent au sein de la population française par la réappropriation des espaces immenses que le système néolibéral a abandonnés, comme l’éducation, ciment des valeurs du vivre ensemble, ou celles, jamais réparées, de l’humiliation coloniale et de l’esclavage.
La mondialisation du terrorisme grâce aux réseaux numériques l’a transformé en hydre aux multiples têtes. Si nous n’entreprenons pas de profonds changements sociétaux, si nous ne remettons pas profondément en question le modèle néolibéral, éradiquer Daech n’équivaudra qu’a en couper une, qui, comme dans la légende, repoussera double.
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