En Syrie, la stratégie française du « ni-ni », pour « ni Bachar al-Assad, ni Daesh », a du plomb dans l’aile depuis septembre et, surtout, depuis les attentats de vendredi. Sans céder sur la nécessité d’une transition politique en Syrie, les chefs d’Etat des pays membres de la coalition, François Hollande en tête, accepteront désormais de coopérer avec le dictateur pour lutter contre l’Etat islamique.
« La France a connu hier ce que nous vivons en Syrie depuis 5 ans », affirmait Bachar al-Assad au lendemain des attentats de Paris et de Saint-Denis, en présence d’une délégation menée par quatre députés Français dont Thierry Mariani (Les Républicains). Si ces propos relèvent de la provocation, surtout venant d’un dictateur qui ne rechigne pas à tuer ses propres concitoyens, ils n’en sont pas moins révélateurs : la guerre contre Daesh prend un nouveau tournant, dans lequel la France et le régime syrien vont devoir coopérer.
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A droite, des voix – comme celle de François Fillon – s’élèvent depuis longtemps pour se rapprocher de Bachar al-Assad afin de lutter plus efficacement contre l’Etat islamique, malgré les atrocités commises par le dictateur syrien. Sans compter l’extrême-droite qui ne cache pas son soutien à Vladimir Poutine, grand allié d’Al-Assad.
Hollande infléchit sa stratégie
Mais cette fois, c’est François Hollande lui-même qui affiche un assouplissement de sa stratégie en Syrie. « C’est la guerre », n’a-t-il cessé de marteler ce lundi devant les parlementaires français, réunis exceptionnellement en Congrès à Versailles. Et en temps de guerre, parfois, les ennemis de nos ennemis sont nos amis. Or, a-t-il assuré, « nous cherchons inlassablement une solution politique dans laquelle Bachar al-Assad ne peut constituer l’issue, mais notre ennemi en Syrie, c’est Daesh ».
Le discours de François Hollande devant le… par libezap
Le président a donc décidé de répondre très rapidement et par la force à l’organisation terroriste : la France a bombardé Rakka à deux reprises en deux jours : 10 chasseurs ont largué 20 bombes dimanche soir, détruisant un centre de commandement et de recrutement et un camp d’entraînement et 10 autres chasseurs en ont largué 16 lundi soir, avec sensiblement les mêmes dommages.
La France avait pourtant une position claire depuis 2011 : Bachar al-Assad devait quitter le pouvoir. Cette position s’est renforcée en 2013, lorsque le dirigeant syrien a bombardé son peuple à l’arme chimique, autour de Damas. La France voulait intervenir, mais elle a été lâchée par les Etats-Unis et a dû se résoudre à ne pas agir. Depuis, François Hollande avait adopté la stratégie du « ni Bachar, ni Daesh ».
Cette stratégie s’était déjà infléchie début septembre, lorsque François Hollande avait annoncé que la France n’interviendrait plus seulement en Irak, mais aussi sur le sol syrien. Mais depuis vendredi, tout a changé : « La France était à la pointe de la critique de toute compromission avec le président syrien. Elle met désormais de l’eau dans son vin au nom de la lutte contre Daesh, explique à Libération Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). C’est une façon de répondre aux critiques de l’opposition en France qui lui reproche de négliger la Russie qui, elle, soutient le régime. » Bachar al-Assad n’est plus un ennemi prioritaire.
Un compromis au sein de la coalition
Si la France se rapproche de plus en plus de la position adoptée par la Russie, Vladimir Poutine, de son côté, a nuancé la sienne, assure David Cameron. En effet, les deux hommes étaient réunis en Turquie pour le sommet du G20 et se seraient entretenus pendant une heure au sujet de la Syrie, rapporte le site de l’hebdomadaire franco-turc Zaman. Lors d’une conférence de presse, le premier ministre britannique a affirmé avoir dit à Vladimir Poutine que le bombardement de l’opposition syrienne modérée en Syrie fin septembre était « une erreur ». Mais il a également assuré que son homologue russe se rapproche aujourd’hui de la position tenue par la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni :
« Le fossé est énorme entre ceux d’entre nous qui estiment qu’Assad devrait partir immédiatement et ceux, comme le président Poutine, qui le soutiennent et continuent à le soutenir.Je pense qu’il se réduit (…) J’espère que nous pourrons réduire encore plus le fossé, mais cela nécessitera un compromis des deux côtés. »
Et ce compromis est en train de se réaliser : Vladimir poutine « vient de se déclarer favorable à une transition politique en Syrie qui se déroulerait sur une période de dix-huit mois », annonce Libération. « Il ne se prononce plus en faveur du maintien au pouvoir de Bachar al-Assad jusqu’au terme de son mandat », confirme Camille Grand.
D’ailleurs, la Russie frappe pour la première fois, ce mardi, l’Etat islamique à Rakka, informe Le Monde : les Russes auraient tiré des missiles de croisière sur des cibles dans la capitale de Daesh.
Hollande va rencontrer Obama et Poutine
D’autre part, François Hollande a aussi annoncé face au Congrès qu’il s’entretiendrait avec Barack Obama et Vladimir Poutine « dans les prochains jours » afin de mettre en place une « grande et unique coalition » contre l’Etat islamique et « pour unir nos forces et atteindre un résultat qui pour l’instant est encore renvoyé à trop longtemps ».
Il a demandé que le Conseil de sécurité de l’ONU se réunisse « dans les meilleurs délais pour adopter une résolution marquant cette volonté commune de lutter contre le terrorisme » et devra, pour ce faire, se mettre d’accord avec Vladimir Poutine sur l’attitude à adopter face à Bachar al-Assad, mais aussi face aux Turcs qui continuent de viser tout autant les Kurdes que l’EI… Sans parler de l’opposition frontale entre l’Arabie saoudite et l’Iran, qui intervient en soutien aux gouvernements syrien et irakien, mais en dehors de la coalition.
Ce mardi,John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, a rencontré François Hollande pour apporter son soutien à la France, mais aussi pour discuter du sort à réserver à la Syrie et de l’avenir de la coalition, à l’heure où les deux pays ont renforcé leur coopération militaire pour effectuer les dernières frappes sur la ville de Rakka.
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