Artiste sans concession, Sylvie Blocher présente actuellement au Crac de Sète une rétrospective magistrale de ses travaux anciens et récents. Il y est question de communautés, d’identités et de visages en extase, terrorisés, sublimés ou impassibles que cette artiste peu montrée en France soustrait au flux des images.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
“Le dessin s’est fait comme ça. Nous sommes à Palerme en train d’errer dans les rues. Mon atelier est près du Grand Stade de France à Saint Denis. Nous attendons des nouvelles de nos proches, de Paris. Nous guettons sans cesse les écrans de nos portables. Nous pensons aux morts et à leurs familles. Nous ne savons pas comment nous occuper. Nous pensons aux vies fauchées et à l’injustice pour ceux qui se sont trouvés là. Nous nous sentons déplacés partout. Nous passons de la douleur à la colère, puis de la colère à la douleur, et ça recommence dans l’autre sens. Je me sens trop loin, impuissante, perdue.
Devant un magasin de la Via Roma, François remarque une publicité tirée sur cartes postales. Il me la montre. La phrase nous fait sursauter. Je demande si je peux la prendre. A chaque fois que nous parlons français on nous présente des condoléances. Les Palermitains nous réconfortent. Ils sont anxieux. Ils ont peur que cela explose, ici aussi. J’écris sur les images pour gérer mes colères. J’exerce souvent ce droit. Mais je n’ai pas mes peintures alors Aldo, le propriétaire du restaurant d’à côté, me dit qu’il va en trouver pour moi, pour que j’écrive sur la carte. Il vient de déposer le tube à l’hôtel alors j’écris.
J’aimerais que nous refassions du lien autour de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Ce sont des mots précieux, fragiles. J’aimerais que l’on fasse cela tous ensemble, pour combattre ceux qui méprisent la vie, leur vie et vie des autres, qui confondent religion et armes de guerre, juste pour se promener au paradis, aux bras de pauvres vierges;”
Sylvie Blocher 15 novembre 2015
{"type":"Banniere-Basse"}