Rodrigo García réactive en poète les souvenirs de ses pulsions sexuelles enfantines. Convoquant acteurs et volatiles, il invente une basse-cour surréaliste où rêves et fantasmes règnent en maître.
Durant son enfance en Argentine, Rodrigo García était un fan inconditionnel de Charlie le coq, l’un des héros des dessins animés de la série Looney Tunes. Rien ne le ravissait tant que l’hystérie des rapports sado-maso entre Charlie et Bernie, le chien de la basse-cour. Avec 4, le metteur en scène se replonge dans les souvenirs des après-midi passés chez sa tante Tota pour réactiver les fantasmes habitant la cervelle du préado qu’il était alors…
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
“A l’époque, j’étais un objet animé de 8 ans, chaud comme la braise et qui au lieu d’étudier voulait commencer à baiser.” S’identifiant à Charlie le coq et instrumentalisant sa tante en clone au féminin du cabot Bernie, le petit Rodrigo passe à l’action. “J’ai peloté les seins de ma tante Tota et Tota était plus chaude qu’une chienne.”
Concours de beauté pour minimiss
Raconté à la manière d’un conte digne d’un film de Kurosawa, le récit de ce premier écart gestuel est repris dans la pièce par un comédien harnaché en samouraï qui l’adresse à deux gamines, en talons hauts et robe de soirée, maquillées en gagnantes d’un concours de beauté pour minimiss. Le rappel de cette scène véridique irrigue le propos de 4 et participe d’une déferlante d’images théâtrales toutes aussi tendres que scabreuses et porteuses d’une charge érotique puisée à l’enfance.
Rodrigo García aborde avec cette pièce le sujet tabou d’une vérité que la morale réprouve, celle des premiers fantasmes sexuels ayant éclos dans nos caboches quand nous donnions encore l’illusion de n’être que d’innocentes têtes blondes.
Premiers attouchements
Ainsi, quand l’un des acteurs fait des balles contre un mur où est projetée une reproduction de L’Origine du monde de Courbet, ce sont les cris rauques des joueuses des tournois de tennis qu’on entend en fond sonore comme à la télé. Sous un jet d’eau, un immense savon de Marseille d’un mètre de haut devient un ring où un garçon et une fille luttent en mémoire des premiers attouchements qu’on s’accorde en le faisant mousser sous la douche.
Reste, tout en crête et en plumes, les quatre coqs convoqués… Rodrigo García retrouve ses passe-temps de gosse facétieux quand il affuble les pattes de ces vivantes incarnations de Charlie le coq d’une paire de baskets d’enfant. Avec des gestes de magicien, l’acteur Juan Loriente s’empare des volatiles et les couche inanimés sur le plateau dans l’abandon troublant d’une extase qui fascine.
Nous savions depuis Shakespeare que nous étions de l’étoffe dont sont faits nos rêves. Avec 4, Rodrigo García invente un spectacle qui n’est peut-être rien d’autre qu’une dédicace à ce que songent les coqs quand ils sont ainsi endormis.
4 de Rodrigo García, en espagnol surtitré en français, avec Gonzalo Cunill, Núria Lloansi, Juan Loriente, Juan Navarro, jusqu’au 22 novembre au Théâtre Nanterre-Amandiers, Festival d’automne à Paris, nanterre-amandiers.com
{"type":"Banniere-Basse"}