Amateurs de tennis français et de cavalcades soniques, les Anglais de Foals inventent sur leur premier album un rock en mille éclats de verre, aiguisé et anguleux.
Leur nom veut dire « poulains » mais leur musique dit plutôt « pur-sangs indomptables ». On ignore quel accès de folie a poussé ces cinq Anglais à baptiser leur groupe « bébé cheval » tant leurs morceaux galopent, bride lâchée, avec autant de puissance qu’un étalon. Cette impression déstabilisante et fascinante ne fait que commencer. La première chanson s’intitule The French Open, soit Le Tournoi de Roland-Garros, et l’idée semble déjà un peu farfelue, comme si un groupe français décidait d’écrire Le Tournoi de Wimbledon. Une intro métallurgique laisse place à une rythmique en zig zag, des cuivres, une basse menaçante, et des petites touches de guitare vives et fulgurantes, la marque de fabrique de Foals. Chaque musicien semble jouer dans une pièce différente. Des cris plaintifs en écho bégaient un langage impénétrable.
On apprend par la suite qu’il s’agit d’un franglais détournant une pub pour Lacoste avec le tennisman Andy Roddick. Effectivement, en tendant l’oreille on entend une phrase répétée et fragmentée : « Un peu d’air sur la terre ». Foals dévoile ainsi son ambition et son audace, incarnées par leur leader, Yannis Philippakis.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Du haut de ses 22 ans, ce chanteur d’origine grecque fut l’une des personnalités les plus passionnantes de 2008 pour sa gouaille enflammée, ses idées bouillonnantes, sa dévotion implacable pour la musique. Aussi turbulent que sensible, il diffuse ses visions abracadabrantes tout au long d’Antidotes. Ce n’est pas un hasard si le groupe s’est formé à Oxford, ville qui a vu grandir les expérimentations insatiables de Radiohead. Pourtant, on rapprocherait davantage Foals d’un autre Oxonien, Lewis Carroll, mathématicien passionné de la logique et brillant auteur du nonsense.
Car l’architecture tortueuse d’Antidotes, composé de couches multiples à la fois hypnotiques et euphorisantes, fait souvent penser que l’on se trouve de l’autre côté du miroir, sans aucune notion de modération, ni de sagesse. On ne peut pas non plus négliger l’influence de David Sitek à la production, qui s’est également distingué cette année en orchestrant l’album de Scarlett Johansson. Musicien sans concession au sein de TV On The Radio, il est probablement aussi intransigeant que Yannis Philippakis dans ce qu’il veut et ne veut pas obtenir.
Enregistré à New York, Antidotes révèle un son à la fois cristallin et ténébreux. Impossible de prévoir ce que les secondes qui suivent vont contenir. La tension est palpable, notamment sur les singles frénétiques Cassius et Balloons qui préfèrent de loin l’implosion à l’explosion, le seul moyen d’exprimer ce choc violent entre spleen émotif et joie ardente. Avec ce contraste étrange, Foals sort la tête haute de la masse des groupes de rock anglais et réussit par la même occasion son pari initial, apporter un peu d’air sur la terre.
{"type":"Banniere-Basse"}