Présents au Bataclan le vendredi 13 novembre au moment du drame, Valery et Laura, musiciens du groupe « Disorder kid » racontent comment un lieu de fête s’est transformé en enfer.
Valery et Laura, musiciens du groupe « Disorder kid » étaient présents au Bataclan lors du concert d' »Eagles of death metal » le vendredi 13 novembre. Rescapés des attentats, ils livrent leur témoignage ;
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« Quand nous sommes arrivés en face de la salle de concert, on pouvait distinguer la scène illuminée du dehors. Au Bataclan, tu passes cinq mètres et tu atterris directement dans la salle, explique Valery, ingénieur du son et bassiste du groupe. Plus tard, on a appris que le groupe terroriste avait choisi ce lieu en raison de sa facilité d’accès. A l’entrée, le personnel n’a procédé à aucun contrôle ».
Ils se souviennent. « Les tirs ont commencé à retentir à la septième chanson, « Kiss the Devil », environ 35 minutes après le début du concert. On a entendu des coups de feu, les gens ont commencé à crier et étaient pris de panique. Il y avait des flashs, des éclairs, derrière lesquels se dessinaient des silhouettes. Il était difficile de s’apercevoir du nombre de blessés ou tués. Le noir emplissait la salle. Le public s’est allongé par terre dès les premiers tirs. On s’est ensuite relevé, il y a eu un deuxième mouvement de foule. Les gens disaient » Il faut se barrer », certains se sont précipités vers la sortie la plus proche et on eut la chance de pouvoir s’échapper… Les tirs ont repris, la foule s’est jetée à nouveau à terre. C’est à cet instant que l’attente interminable a débuté. La tête contre le parquet, on a évité d’émettre le moindre son et mouvement pendant plus d’une heure pour éviter de se faire repérer ».
Un terroriste a explosé à 5 mètres de nous
« S’il elle est touchée et pas moi ça va être un cauchemar… j’étais là pour elle », confie Valery. Quand des personnes étaient trop bruyantes ou agonisaient, les terroristes les achevaient. Entendre les exécutions fût la chose la plus atroce. C’est animal et dépasse l’entendement, déplore Laura. On a inspecté toutes les parties de notre corps pour voir si on était blessé, car sur le moment, l’adrénaline est tellement forte qu’on devient insensible. On entendait l’impact sourd des balles, des gens hurlaient de douleur, et la tu te dis « la prochaine c’est pour moi ». On a eu une chance inouïe. Un des terroristes se tenait débout sur la scène et abattait les gens au fur et à mesure. Apparemment, le premier flic qui est rentré l’a abattu. Dans sa chute, le terroriste a enclenché sa ceinture d’explosifs. Il s’est fait exploser, à quoi, cinq mètres de nous. On avait des bouchons dans les oreilles. Il y a eu des projections de verre, énormément de poussière. Le Bataclan a tremblé. On a cru qu’ils avaient balancé une grenade et qu’ils nous avaient loupés ».
« J’ai compté le nombre de sonneries des portables pour avoir une notion du temps, savoir depuis combien de temps on tenait » ajoute Laura. « Mon iPhone était en mode avion, j’ai eu de la chance », admet Valery. Il poursuit. Il y a une phrase dont on se souvient très bien, ils s’adressaient à nous dans un français impeccable, « C’est la faute de votre président François Hollande s’il y a ce massacre aujourd’hui ». Ils ont communiqué entre eux tout le long de l’attentat en langue arabe. Leur ton était impassible, très calme. Ils ont même émis des petits cris de joie, des « youhou ».
« Les bruits de balles venaient rompre le silence »
« Au début je n’ai pas pensé à une attaque terroriste mais plutôt à un acte désespéré entrepris par des fous, repense Laura, enfoncé dans son canapé. Ce n’est qu’une fois arrivé chez nous, lorsque l’attentat a été revendiqué, qu’on a pris conscience que Daesh en était l’auteur ».
« Pour que Daesh s’en prenne à nous… Bordel on ne représente rien. On n’est pas une institution, ni une communauté en particulier. C’est incompréhensible! »
« Ils attendaient l’arrivée de la police car ils auraient eu largement le temps de s’enfuir, assure-t-elle. Sur le coup, tu penses qu’ils vont rentrer, tuer un maximum de gens et disparaître ». « Dans ma tête je me suis dit « c’est foutu ». J’ai pensé à plein de conneries, on s’est fait des petites blagues », rapporte Valéry un peu désemparé.
« On entendait les pas au-dessus de nos têtes, les armes se recharger. On espérait qu’ils arriveraient à bout de leurs munitions, vu le nombre de balles qu’ils avaient tiré. Les bruits de balles venaient rompre le silence toutes les deux minutes. Les localiser était quasi impossible. J’ai cru entendre les bruits de pas d’un des terroristes qui marchait parmi la foule. Il devait retourner les corps pour vérifier s’ils étaient sans vie puis les tiraient. Si autant de gens ne s’étaient pas sauvés dès le début du carnage, le massacre aurait pris une toute autre dimension meurtrière ».
Un dénouement sans fin
« On a eu énormément de fausses joies, dans le sens où l’on pensait que ce cauchemar allait s’achever, notamment lors des instants silencieux. C’était un supplice interminable. Sur la fin, les coups de feu se sont tus, on espérait que les terroristes soient décédés ou partis. J’ai levé la tête pour inspecter les alentours. La salle était allumée. J’ai attrapé Laura, j’ai mis ma main devant ses yeux, et nous nous sommes dirigés vers l’entrée. Un des hommes du RAID a mis en joue un des terroristes. Nous nous sommes précipités derrière le bar ou d’autres personnes s’étaient réfugiées. On a décidé de rejoindre l’entrée. Les forces d’intervention commençaient à investir les lieux. Ils nous ont fouillés puis nous ont fait sortir. Nous avons été escortés jusqu’à un bar. On a fumé une cigarette puis nous nous sommes enlacés. Dans le bar, tout le monde fumait, buvait, tentait de rire à nouveau. »
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