Avec son action épique et nerveuse et son level design inspiré « Halo 5 : Guardians » fait honneur à la série reine des consoles Xbox. Mais sa façon d’accompagner en permanence le joueur limite la force de l’expérience en solitaire.
Parfois, on a envie d’être seul. Seul pour mieux regarder le monde qui nous entoure, pour le découvrir à notre rythme, nous y perdre peut-être dans un frisson, dans un vertige, et vivre pleinement le dépaysement radical que ces lieux ne demandaient qu’à nous offrir. Seul, aussi, pour profiter du silence sans que personne ne vienne nous brailler à l’oreille que c’est drôlement joli par ici dis donc – ça va, on a vu, ou alors pire : on n’avait justement pas encore vu et on espérait être dispensé de coéquipiers/audioguides en tenue de combat pour visiter ces étranges planètes. Mais non, ils sont là, bavards et lourdauds, et ne nous lâchent pas.
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Il y a sans doute quelque chose d’un peu injuste à reprocher à Halo 5 : Guardians, le dernier volet en date de l’ultra-populaire (et historiquement décisive) série de FPS futuristes, la dimension collective de son action. Après tout, la possibilité de vivre l’aventure qu’ils proposaient en coopération (et pas seulement en solo) a beaucoup fait pour la réputation des premiers épisodes de la série née au sein du studio américain Bungie et passée depuis entre les mains de 343 Industries, une filiale de Microsoft qui en a fait l’une de ses franchises emblématiques. Et puis, en offrant des compagnons de route (et, donc, de combat) contrôlés par la console aux joueur solitaires, on pourrait estimer que les développeurs font œuvre de générosité : c’est le collectif pour tous, la camaraderie émulée pour ceux qui n’ont pas d’amis – pardon : ceux qui, pour une raison (technique, économique, philosophique…) ou une autre, tournent le dos au multijoueur en ligne.
On pourrait, on devrait peut-être souligner les bons côtés de ce parti pris, mais la pratique en solo de Halo 5 laisse un arrière-goût un peu désagréable. En matière de jeux de science-fiction musclés, en vue subjective (comme Halo, à quelques séquences près) ou non, il existe peu d’expérience aussi marquantes en solo que celles, justement, qui s’appuient sur cette solitude du joueur. C’est le cas des Dead Space, des Metroid Prime, de tous ces titres qui inventent un espace dans lequel, selon la formule consacrée, personne ne vous entend crier. Metroid Prime, en particulier, est allé très loin dans cette direction. Parfois, en y jouant, seul dans des couloirs obscurs ou débouchant dans une zone ouverte aux couleurs irréelles grouillant de monstres vaguement répugnants, on se sent même assez mal. Ce qui, en définitive, pour la profondeur et la force de l’expérience, est vraiment bien.
La saga Halo elle-même, du temps de Bungie, a travaillé sur ces motifs, sur cette tonalité, au sens presque musical du terme. Ce fut en particulier le cas dans Halo 3 : ODST, spin-off sous-estimé et quasi jazzy de son troisième volet qui nous lâchait pour une virée mélancolique dans les rues d’une ville du futur à la recherche de nos camarades perdus de vue. Le jeu était beaucoup moins riche, varié et luxueux que Halo 5. Beaucoup plus audacieux et marquant sur le plan émotionnel, aussi.
Un jeu de son temps
Pour le meilleur et le moins bien – tout cela ne va heureusement pas jusqu’au pire –, Halo 5 est un jeu de son temps, celui de Call of Duty et de Gears of War, de la simulation de bidasserie fusionnée avec le grand voyage. Des grandes proclamations pompeuses, aussi – « C’est quand elle est acculée que l’humanité a le plus de ressources », nous assure-t-on par exemple – et des parcours fléchés – « On active la console ? On dirait que c’est ce qu’on doit faire », y entend-on soudain dans ce qui ressemble plus à une discussion entre joueurs cherchant la sortie du niveau qu’entre super-guerriers du futur.
Pas de malentendu : Halo 5 fait plus que remplir son cahier des charges. Les affrontements y sont intenses et stratégiques. Chaque nouvel environnement est aussi une nouvelle énigme architecturale : le level design est inspiré, avec une attention bienvenue à la verticalité, et il existe toujours de multiples manières de venir à bout des créatures nous y attendent. De ce point de vue, en utilisant au mieux les diverses armes à sa disposition, les véhicules éventuels et la géographie des lieux, le joueur est obligé d’adopter une approche créative. En donnant à l’occasion quelques instructions à ses camarades de combat. Qu’ils se rendent utiles, au moins, puisqu’ils refusent visiblement de nous laisser tranquille. Ce sera toujours ça de pris.
On se console aussi un peu avec les quelques ajouts que fait ce Halo 5 à la grammaire ludique de la série. D’une charge brutale, il est en particulier désormais possible de casser certains murs. On ne s’en prive donc pas. C’est toujours chouette de casser des murs.
Halo 5 : Guardians (343 Industries / Microsoft), sur Xbox One, environ 50€
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