Premier album riche en découvertes et joies pour ce Tourangeau zinzin. Critique.
Pour Piano Chat, on a dû un jour écrire un courrier urgent aux services américains de l’immigration, attestant du talent de ce one-man band français. On aurait pu écrire des pages entières sur la folie douce, la rêverie à portée de doigts, cette façon ravissante de bâtir des symphonies avec le quotidien et trois fois rien, on aurait même pu citer Daniel Johnston – ce qui n’aurait pas forcément été une bonne idée. On aurait pu ajouter, c’eut été maladroit dans les circonstances, à quel point cette pop mondialiste méprise les frontières, ridiculise les douaniers entre les genres. On parle de pop, mais c’est faute de mieux, il s’agit plutôt du folklore brut d’une tribu heureuse, sans contact avec notre monde, où la naïveté de Jonathan Richman ne serait pas sujet de ricanements, où Lou Barlow serait grand chaman, où Nick Cave serait sorcier seulement les mercredis.
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Il faut un peu de temps pour se familiariser, trouver son confort dans le son de Piano Chat, parasité de mille bruits et bruissements, dissipé de pianos-jouets, d’électricité déchaînée par des petites piles Varta. C’est un peu la jungle, et il y a des bestioles franchement inquiétantes, voire monstrueuses, dans ce bestiaire, mais sur la longueur d’un album, le Tourangeau aux cerveaux multiples articule habilement ses changements de plateau, passe de l’anglais au français, du bariolé au foncé, du cagneux au tout doux. Et inlassablement, on appuie sur la touche “replay”, comme sous l’emprise d’une drogue béatifiante, d’un sortilège douillet. Dans la lettre aux Américains, on avait parlé d’originalité et d’unicité. Et ça reste la lettre administrative la plus honnête et sincère que l’on ait jamais envoyée.
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