Plutôt que de suivre une carrière pourtant méritée de vieux sage, R.E.M. retourne avec classe à sa turbulente jeunesse.
C’est la meilleure nouvelle de l’année, R.E.M. est redevenu un groupe de rock’n’roll. On les imagine d’ici, dans le studio anglais où ils avaient choisi de changer d’air, heureux de retrouver les sensations électriques de leur jeunesse, sans doute aussi un peu honteux d’avoir à prouver aussi bruyamment leur existence auprès de ceux qui ont lâché l’affaire depuis longtemps.
Car il y a forcément un peu de ça dans cet Accelerate profilé comme certains albums des années 1980, les Document ou Green, à l’époque où R.E.M. incarnait le groupe américain idéal, réminiscence des Byrds ou de Creedence mais fougueusement crucial et vivant. Si, sur scène, le trio n’a jamais cessé de faire corps et de délivrer des prestations innervées et intenses, le studio était devenu depuis dix ans – après le départ du batteur Bill Berry – une espèce de lieu de compromission parfois stérile, même si, depuis Up (1998) jusqu’à Around the Sun (2004), il n’y avait rien non plus qui justifiât que l’on convoque le goudron et les plumes. Simplement, R.E.M. ressemblait trop souvent à une agglomération de trois intelligences qui ne turbinaient plus forcément aux mêmes heures, donnant parfois la sensation que l’éclair ne pouvait jaillir que d’un hasard heureux où ils se retrouveraient sur le même fuseau, les pendules enfin accordées. C’est précisément ce qui se produit ici où, durant trente-trois minutes à peine (et c’est bien assez pour des retrouvailles), Stipe, Buck et Mills regardent dans la même direction, prennent du plaisir et, surtout, prennent plaisir à le communiquer. Comme un album live avec des chansons inédites, Accelerate repose essentiellement sur l’alchimie du groupe, moins sur la brillance des chansons que sur la façon dont R.E.M. s’est concentré pour en tirer le meilleur et pour “sonner” comme du R.E.M. canonique. Tant sur les riffs au hachoir (fabuleux single Supernatural Superserious) qu’au niveau des guirlandes psychédéliques (Mr. Richards, Sing for the Submarine), Peter Buck s’est clairement dégrippé les doigts, et la différence se fait immédiate.
Album de guitares comme pouvait l’être Monster, sans les rodomontades de la production qui gâchaient un peu celui-là, Accelerate s’offre même avec Horse to Water une cavalcade dans le galop de It’s the End of the World, enchaîné avec un I’m Gonna DJ aux chœurs stoniens qui emmagasine toute l’énergie dont un groupe de rock, même à 20 ans, peut rêver. “Living well is the best revenge”, claironne le premier titre : l’heure de la revanche a sonné avant celle de la retraite pour le groupe américain le plus digne de ces trente dernières années.