Loin des circuits traditionnels des majors, John Shannon dévoile un somptueux disque de folk épuré, et fait du ciel le plus bel endroit de la Terre.
Il y a les disques dont on rêve et ceux qui sortent chaque semaine. Il y a ceux qu’on attend avec espoir et ceux qu’on reçoit déçu. Il y a les albums très attendus, les retours ratés et les belles renaissances. Et puis il y a aussi, parfois, de vraies et rares surprises : des disques qu’on n’attendait pas le moins du monde, composés par des artistes qu’on ne connaît ni d’Eve ni d’Adam – chose devenue exceptionnelle dans le contexte actuel fait de MySpace, showcases et festivals à gogo –, parvenus à nos oreilles via des chenaux confidentiels, loin des classiques canaux de transmission des majors.
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C’est le cas d’American Mystic de John Shannon – un de ces noms qu’on croit pourtant avoir entendu cent fois. Et il faut dire qu’avant ça on ne risquait pas de croiser John Shannon au coin de la rue ou accoudé au bar d’une soirée mondaine : le jeune homme est un ami de la nature, plus souvent en forêt qu’en ville. Et c’est dans un quartier résidentiel et calme de Venise, en marge de la place Saint-Marc et des autres grosses agitations touristiques, qu’on a rencontré ce copain des bois pour la première fois.
C’est là, dans un petit club de jazz du Dorsoduro, quartier sud-ouest de la ville, que l’artiste est venu dévoiler son disque, un soir de mars glacé, à une poignée de journalistes chanceux. “J’accorde de l’importance à la beauté des lieux. C’est une chance pour moi de venir présenter mon disque en Europe dans un cadre pareil. L’environnement a toujours eu un impact sur ma musique, au moment de la composition comme de l’interprétation.” Et lorsque John Shannon évoque l’influence de l’environnement sur son inspiration, il n’exagère pas : quand il ne compose pas, Shannon pratique la méditation – pendant plusieurs jours, il part se réfugier seul dans la nature, loin de tout.
“Ça me faisait peur au début, puis je me suis habitué. Je suis très attaché à l’idée de “patrie”, de “terre”. Pas d’un point de vue politique, mais pour l’idée de terroir, de souche. Une fois, je me suis retrouvé quatre jours seul dans le désert sans manger, avec simplement de l’eau. Un papillon est venu se poser sur mon épaule et y est resté dix minutes sans bouger. Ça peut paraître fou mais ça m’a beaucoup inspiré. J’écris essentiellement sur ces expériences. Je suis fasciné par les aigles également, que je peux observer de mon jardin en Californie.”
De Butterfly à Somewhere, c’est d’ailleurs un album qui parle de ciel que dessine cet American Mystic, à l’harmonie impressionnante, qui semble au final ne proposer qu’une seule et longue chanson, comme la BO d’un documentaire sur le peuple migrateur, l’hymne officiel des condors. “C’est étonnant car ce disque a été enregistré à Brooklyn, dans un studio au beau milieu de la ville. Mais j’ai cherché à y reproduire une ambiance naturelle, à recréer une atmosphère sereine. Après, c’est vrai que j’ai tendance à écrire des chansons qui se ressemblent. C’est quelque chose que j’assume. Je crois à cette théorie selon laquelle chaque artiste n’écrit que trois morceaux dans sa vie.” Une douzaine de titres nous furent pourtant ce soir-là dévoilés à Venise, et l’album qui les rassemble aujourd’hui mérite les têtes de gondole.
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